Menu

Archive

Nomad #65 : Le parc national d’Iriqui, où transhumance et préhistoire s’entrelacent

A première vue, en passant à côté du lac d’Iriqui (sud du Maroc), on pourrait penser qu’il s’agit d’un désert ordinaire. Pourtant et dans une autre vie, le lieu était une véritable savane. En effet, le parc national d’Iriqui est riche de son histoire et fait même voyager à travers la préhistoire.

Le parc national d'Iriqui regorge d’histoire et même de préhistoire / Ph. DR
Estimated read time: 3'

Direction plein sud, entre le lit asséché de l’oued Drâa et la frontière algérienne, à 150 km de Ouarzazate et 80 km au sud-ouest de Zagora. Avec ses 123 000 hectares, le parc national d’Iriqui s’étale sur deux provinces, celle de Zagora et de Tata. Le lieu a été créé en 1994. Il comprend, entre autres, le lac d’Iriqui, Foum Zguid et M’hamid. Il se caractérise par une forte présence de gazelles du sud (gazelles dorcas).

«C’est une zone très touristique, fréquentée par les visiteurs qui font le circuit désertique à travers Merzouga, Zagora et M’hamid Ghizlaine», explique à Yabiladi Sidi Imad Cherkaoui, ornhitologue et professeur à l’Université Moulay Ismaïl.

Après la construction du barrage Mansour Eddahbi à Ouarzazate vers la fin des années 1960, «la zone humide d’Iriqui s’est asséchée», puisque l’Oued alimentait le lac. Maintenant, ce dernier est «à sec en permanence». Le professeur ajoute que l’écosystème a disparu. Par conséquent, l’un des objectifs de la création de ce parc «est de le reconstituer» en plus de «réhabiliter la faune désertique».

Le parc national d’Iriqui est caractérisé par une forte présence de gazelles du sud (gazelles dorcas) / Ph. Sidi Imad CherkaouiLe parc national d’Iriqui est caractérisé par une forte présence de gazelles du sud (gazelles dorcas) / Ph. Sidi Imad Cherkaoui

Plusieurs oiseaux nicheurs «ont disparu» comme le canard pilet et le flamant rose. Dorénavant, si vous vous rendez sur le site, vous pouvez apercevoir une multitude d’espèces désertiques : «L’Outarde Houbara, l’Engoulevent d’Egypte, le Grand-duc ascalaphe, le Ganga de Lichtenstein, la Fauvette  du désert et le Moineau blanc», ajoute le spécialiste. Dans le parc, une faune est en déclin, comme la gazelle dorcas, qui caractérise pourtant le parc national d’Iriqui. Notre spécialiste l’explique :

«A l’époque, il y avait l’hyène rayée qui a été signalée. Jusqu’au siècle dernier, il y avait aussi dans certaines zones du Drâa des crocodiles du Nil (disparus vers les années 1950). Ils se sont reculés vers la Mauritanie. Récemment, il y a eu la découverte du chat des sables dans la zone d’Aouserd.»

L’Engoulevent d’Egypte très présent dans le parc national d’Iriqui / Ph. Sidi Imad CherkaouiL’Engoulevent d’Egypte très présent dans le parc national d’Iriqui / Ph. Sidi Imad Cherkaoui

Peinture rupestre et transhumance

Le parc national d’Iriqui est notamment un lieu d’une richesse incroyable en préhistoire, grâce à la présence de peintures rupestres, des œuvres d’art créés par l’Homme sur les parois des grottes. Abdelkhalek Lamjidi, archéologue spécialisé en préhistoire et en études de l’Homme et l’espace dans le sud du Maroc, détaille à Yabiladi en quoi consiste la richesse de ce lieu : «Le paléolac d’Iriqui [Lac d’une époque géologique ancienne dont les traces sont encore détectables, ndlr] contient une dizaine de peintures rupestres. Au Maroc c’est très rare.»

Selon le responsable, au niveau du royaume, le parc contient «1/3 des richesses préhistoriques du Maroc, puisque sur tout le territoire national, nous avons une trentaine de peintures rupestres» :

«Nous n’avons pas de datation exacte, mais les sujets dessinés dans ces abris sous roche représentent une culture qui remonte au moins au néolithique. C’est-à-dire, on parle de 6e, 7e millénaire av. J.-C. et ça remonte jusqu’à l’écriture amazigh. La présence de gens qui ont vécu autour du lac d’Iriqui, pour ceux qui produisent, qui ne vivaient pas de la chasse, date d’au moins 9 000 ans. Quand on parle des chasseurs, ça se compte en centaine de milliers d’années, jusqu’à 800 000 / 900 000 ans.»

A cause du tourisme de masse qui passe par le parc national, les traces archéologiques sont en danger. «Sous forme lithique, les outils datant de préhistoire ont subi un épuisement à cause des collectes sauvages et illégales des touristes et des locaux», regrette Abdelkhalek Lamjidi.

Depuis la moitié des années 1990, le préhistorien travaille dans la région et vu le vandalisme intense, au lieu de ramasser «25 pièces au mètre carré, on trouve maintenant à peine cinq à six pièces sur dix mètres carrés». Le spécialiste ajoute : «Nous avons perdu énormément d’informations sur la vie paléolithique de ce lieu. Mais heureusement, il existe des associations locales qui font attention à ce genre de choses et qui sauvent ce qu’ils peuvent.»

Le parc national d’Iriqui, désert à perte de vue / Ph. DR.Le parc national d’Iriqui, désert à perte de vue. / Ph. DR

La transhumance continue de caractériser le parc. En effet, des nomades continuent de nos jours à vivre en synergie avec la nature, à se déplacer avec leurs cheptels :

«Jbel Bani s’étend de la frontière algérienne à l’est jusqu’à Tan Tan, au sud est. Il constitue un mur qui fait pratiquement 1200 / 1300 km. Ça forme un double couloir. D’un côté celui de Draâ, et de l’autre, Tata, Tissit, pour arriver jusqu’à Zagora. Ces deux couloirs topographiques servaient aux hommes lors de la préhistoire, qui vivaient de chasse et suivaient la faune. Le lac d’Iriqui était un centre où vivaient beaucoup d’animaux, comme une sorte de savane africaine.»