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L’autre récit de Mahjoub Salek #7 : «Le Maroc n’encourage pas les Sahraouis à revenir»

Dans cet entretien en épisodes, Yabiladi part à la rencontre de Mahjoub Salek, l’un des fondateurs du Polisario, qui évoque la création du Front, sa fuite des camps de Tindouf, puis la génèse de «Khat Achahid» en 2004.

Mahjoub Salek, membre-fondateur du Polisario puis fondateur de Khat Achahid / Ph. Mehdi Moussahim (Yabiladi)
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Après avoir évoqué, dans le sixième épisode, son évasion de Tindouf et la création de «Khat Achahid», Mahjoub Salek évoque auprès de Yabiladi la présence de son mouvement au sein des camps du Polisario, ainsi que les raisons l’ayant poussé à ne pas revenir définitivement au Maroc.

Dans ce septième volet de notre rencontre avec Mahjoub Salek, ce dernier nous confie notamment que «Khat Achahid», présent à Tindouf comme en Europe, en Mauritanie et au Maroc, a exigé la tenue d’élections démocratiques. «Cependant et tant que le Polisario sait que nous sommes actifs à Tindouf et qu’il a peur des résultats, il campe sur ses positions et s’accroche encore aux mises en scène, sous forme de congrès qui définissent les résultats des urnes à l’avance», explique-t-il. Et d’ajouter :

«Les mêmes têtes occupent les mêmes fonctions depuis des années. Il n’y a pas de solution et il n’existe pas de bonne volonté pour en trouver une. Tout le monde attend les instructions d’Alger, qui veut maintenir le conflit puisqu’elle en tire profit. Les Sahraouis des camps sont les premières victimes d’une telle situation.»

Une situation complexe

Mahjoub Salek considère que les victimes sont principalement «les femmes, les personnes âgées et ceux qui ne peuvent pas avoir une activité. C’est un peuple qui souffre de plus de 42 ans d’errances…». Il déplore par ailleurs que l’Union du Maghreb arabe (UMA) soit biaisée, ce qui rend la situation encore plus complexe : «Les plus sages parmi les Marocains, les Sahraouis et les Algériens doivent travailler main dans la main pour mettre fin à ce conflit et servir les intérêts des familles éparpillées et de l’UMA.»

Concernant sa décision de ne pas revenir définitivement au Maroc, Mahjoub Salek nous confie rentrer au pays pour des visites familiales «avec un passeport espagnol», tout en se demandant «que fait le Maroc pour les revenants de Tindouf».

«Le Maroc n’a rien fait pour celles et ceux qui ont décidé d’y revenir. Ils sont dix mille et parmi eux il y a des intellectuels, des responsables, des représentants tribaux, des professeurs et des journalistes. Le Maroc les a laissés à la marge en leur accordant une carte d’entraide nationale. Ils pensaient que nous mourrions de faim dans les camps, sauf que là-bas, c’était de dignité dont nous avions soif. Lorsque ces gens ont réalisé que le Polisario bafouait leur dignité avec l’appui d’Alger, ils sont partis vers le Maroc, mais ils ne l’y ont pas retrouvée.»

Mahjoub Salek

Notre interlocuteur indique que les conditions de vie ne se sont pas améliorées depuis. C’est même le contraire qui se serait produit, selon lui : «Un haut responsable revenant du Polisario m’a dit ‘au moins, sous Driss Basri et Hassan II, un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur était chargé de nous recevoir pour nous aider à résoudre nos problèmes. Aujourd’hui, plus personne ne s’occupe de ce service au sein du ministère, où nous restons transparents lorsque nous y allons’.»

Pour intégrer «les premiers concernés» au règlement du conflit

C’est ainsi que l’ex-membre fondateur du Front souligne que «le Maroc n’a rien fait pour ces gens-là. Il y a même des gens qui œuvrent pour que les Sahraouis ne reviennent pas». Notre interlocuteur considère que si le royaume «se voit comme la mère patrie des Sahraouis marocains, il doit les traiter avec dignité et respect à leur retour au pays».

«Je l’ai dit à plusieurs reprise, les Sahraouis préfèrent de loin la dignité au pain. Le Maroc n’a pas intégré ces revenants comme de véritables acteurs dans le processus du règlement du conflit. Puisqu’ils ont des ex-membres fondateurs du Polisario, ils auraient bien su l’affronter. Ces personnes ont été exclues de ce processus et le dossier a été confié à d’autres, qui ne savent même pas situer le Sahara sur une carte.»

Mahjoub Salek raconte également qu’un élu dans les provinces du sud lui a confié ne pas avoir de force de décision concernant le conflit : «Comment pourrions-nous intervenir dessus alors que les premiers concernés ne sont pas sollicités à cet effet ?» Il ajoute aussi que «rien ne motive les Sahraouis à revenir au Maroc» et affirme avoir connu personnellement des amis qui ont regretté ce retour. «Si le Polisario prétend représenter les Sahraouis, ces dix mille revenants les représentent réellement. Laissez-les participer au règlement du conflit», rétorque-t-il.

Des erreurs à éviter

Notre interlocuteur déplore que le Maroc «commette des erreurs qui servent le Polisario, comme son traitement de l’affaire Aminatou Haïdar et Guerguerate. L’Etat profond doit revoir avec courage et responsabilité son comportement dans ces situations et déléguer la gestion de ces affaires à ceux qui s’y connaissent le plus». Ceci dit, Mahjoub Salek nous indique jouir de sa pleine liberté de circuler au Maroc :

«Je le dis clairement, à chacune de mes venues au Maroc, je ne suis jamais inquiété sur mes droits, personne ne me demande de présenter mes papiers à part pour le contrôle de l’aéroport. Je circule ici librement, je discute avec qui je veux de ce que je veux, en toute liberté et ouverture. La Maroc d’aujourd’hui n’est pas celui que nous avions quitté dans la contrainte, en 1974.»