Dans les années 1960, Azzouz Oubaali et sa femme Milouda partent du Maroc pour s’installer en France, dans le Nord-Pas-de-Calais. Originaire d’un village entre Agadir et Taroudant, dans le Souss, le papa Oubaali travaille jour et nuit, notamment dans une mine de charbon pour offrir aux membres de sa famille tous les ingrédients pour réussir.
Même durant l’été, il travaille en tant que chauffeur, faisant des allers-retours entre son pays d’accueil et son pays d’origine. Fils unique, il donnera la naissance à dix-huit enfants, dont treize garçons et cinq filles. Il transmettra aussi à ses enfants l’amour de la boxe. Jusque-là, Moussa et Ali étaient les frères Oubaali les plus célèbres pour leurs titres respectifs en boxe. Mais la consécration de la famille est grande lorsque Nordine décroche, en janvier dernier à Las Vegas, le titre de champion du monde des poids coqs du World Boxing Council (WBC).
Un rêve de toute une famille
Né le 4 août 1986 à Lens (Pas-de-Calais), il est le treizième enfant d’une famille qui aime le boxe. Il suit alors de près les combats de ses frangins avant de livrer, à l’âge de huit ans, sa première confrontation. A l’âge de dix ans, sa maman prédit déjà qu’il réalisera son rêve aux Etats-Unis.
Aujourd’hui champion du monde et éducateur sportif à Bagnolet (Seine-Saint-Denis, Île-de-France), le jeune Nordine perdra son père en 2000, décédé et inhumé au Maroc. Son rêve de jeune enfant continuera pourtant d’être l’un de ses objectifs dans la vie. Sa première reconnaissance internationale, il l’obtient en 2007 en remportant la médaille de bronze aux championnats du monde de boxe amateur à Chicago. Un an plus tard, il prend part aux Jeux olympiques de Pékin mais quitte en 8e de finale après sa défaite. En 2012, il revient aux JO pour s'incliner, cette fois, en quart de finale.
Nordine Oubaali avec son frère et entraîneur Ali. / Ph. DR
Sa carrière en tant que professionnel débute donc en 2014 dans la catégorie des poids coqs, couronnée par le titre de champion de France, décroché en 2015. «Mon premier combat professionnel avait eu lieu à Marrakech, au bled», se souvient, fièrement le champion du monde des poids coqs du WBC. Et il a de quoi être fier : après 14 victoires consécutives, il décroche le sacre international. «Mon père aimait bien ce sport et mes frères aussi ont fait de la boxe, à commencer par Moussa et Ali qui qui m’a mis dans ce sport, étant plus jeune», nous confie le trentenaire, entraîné par son frère Ali.
«Pour savoir où on va, il faut savoir d’où l’on vient»
Sur cette relation, Nordine rappelle que son frangin Ali «a fait une carrière professionnelle dans la boxe anglaise mais n’a pas eu la chance, comme [lui], de pouvoir continuer». «Finalement, ce n’est pas les meilleurs qui réussissent mais les mieux entourés», explique-t-il avant d’affirmer que Ali «veut le meilleur» pour lui, «fait ce qu’il y a de mieux» et reste «sincère» envers le champion.
«L’histoire est belle, puisqu’aujourd’hui, en famille, nous avons réussi à décrocher la plus belle des ceintures. Je suis donc le premier Français et le premier Marocain à décrocher ce titre et j’en suis fier.»
Et cet attachement au Maroc, Nordine Oubaali n’oublie pas de le mettre en avant. «Le Maroc c’est aussi les valeurs que mes parents m’ont enseignées, comme le courage, le travail et la persévérance. Toutes ces valeurs, ils les avaient héritées de leurs parents et nous les avaient retransmises et ce sont ces elles qui ont fait qu’aujourd’hui, j’ai accompli mon rêve de décrocher le titre mondial», nous explique le boxeur franco-marocain.
Lors de son combat pour le titre de champion du monde. / Ph. J. Camporeale - Reuters
«Pour savoir où on va, il faut savoir d’où l’on vient, nous lance-t-il. Et mon père est venu en France pour travailler dans les mines. Il vient du Maroc, ce qui m’a donné la force et la détermination.»
Un boxeur porteur des drapeaux marocain et français
Nordine se souvient surtout du début de sa carrière. «C’était compliqué de trouver des combats et boxer, et on devait aussi s’autofinancer», nous dit-il, avant de reconnaître que la «boxe est un milieu compliqué» qui regagne à nouveau la scène et reconquiert à nouveau son public. Philosophe, il ajoute que «dans la vie, il faut être patient et ne jamais abandonner ses objectifs».
Le champion du monde se félicite aussi du fait qu’il y a de «bons boxeurs au Maroc», insistant sur la nécessité de fournir «l’infrastructure pour les accueillir, leur offrir un plan de carrière et les ramener au plus haut des sommets». Il cite à cet égard le nom de «Mohamed Rabii auquel les jeunes du Maroc s’identifient et qui a réussi à être médaillé aux Jeux olympiques et devenir champion du monde amateur».
Le 19 janvier dernier à Las Vegas. / Ph. DR
Après cette victoire, Nordine Oubaali compte défendre son titre, en France ou au Maroc et «montrer aux jeunes marocains que tout est possible et qu’il faut juste avoir envie et se donner les moyens». Le boxeur compte aussi aller décrocher d’autres ceintures», tout en «unifiant et portant les drapeaux des deux nations». Il dit enfin ne pas avoir les mots pour qualifier le message que le roi Mohammed VI lui a adressé en janvier. «C’est une immense fierté d’avoir été félicité par le roi», conclut-il.