Je ne sais pas si en chantant les paroles qui sont les leurs, salaces et impies, Chikhates Oued Zem et au-delà nos Hajib et nos Irsmouken ne s'étaient-elles pas placées, mine de rien, sous le First Amendment. Elles étaient les seules en effet à faire fi des pesanteurs sociales, politques, religieuses, voire ontologiques .., à pouvoir clamer impunément l’espace d’une chanson leur soif bacchanale et leur manque de foi en Allah ; les seules à faire leur déclaration d’amour au monarque dans une langue qui frise le lèse-majesté … tout autre écrivain, intellectuel ... aurait été tazmamarté (ne dit-on pas embastillé?) pour moins que cela, leur alibi à cet égard semblait être leur ignorance crasse et leur sauf-conduit résidait dans une sorte de jactance à laquelle avait droit les seuls compatriotes de Driss Basri.
Et l’on se souvient encore des tribulations européennes du groupe marocain Lemchaheb pour ne pas avoir trop appuyé sur le « ss » d’ahaidouss (danse folklorique marocaine) donnant lieu à un ahaidouh (écartez-Le) estimé alors comme un mot d'ordre anti-monarchique. L’on se souvient aussi de la disgrâce du groupe Izenzaren du seul fait d’avoir signé un album quelques jours seulement après la mort jugée douteuse d’un certain général Dlimi où le groupe chantait :
Ur immut algmad / le serpent n’est pas mort Iska ikchem tillati/ il est seulement mis au frais Tafukt li gha iggummar ad sul ur illani / le soleil sous lequel il sévissait qui n'est plus
Il n’y avait plus que ces chikhate et ces raissates pour chanter tout en remuant les fesses :
Ana manouite fraqo/ jamais je ne m’étais dit le quitter un jour Houa li skha biya/mais c’est lui qui m’a quittée Mcha ma galha liya/ il est parti sans prévenir Halfa ta nbali bih/ je jure que je lui ferai sa fête Chehdou ya ennass 3lih/ et je vous prends pour témoin Ana li3titou 3omri/ c’est moi qui m’étais donnée à lui Houa li n3ass o faq O nwa lefraq/ mais il s’est réveillé un beau jour pour prendre le voile, le salaud Houa sbab jrahi/ je lui dois toutes mes blessures
Haid idik chawchouni : enlèves tes patoches, elles me chatouillent Kan henna : il était là
Hiya fassia : elle est fassie, houa tazaoui : lui il est de Taza.
Chouff el wajdia : ragarde cette native de Oujda ! Moulaha soussi : son bourgeois est un Soussi
lehwa wa3er : l'amour c'est pas du beurre ( vous l'aurez donc compris le H de lehwa : comme celui de Houda et non pas comme celui de Habiba (wibihi wajiba li3lam wa choukrane))