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La loi interdisant le foulard n´est elle pas logique?
B
9 janvier 2004 20:46
Cette loi ne pousse t'elle pas les musulmans au communotarisme ?
Si c'est le cas, les musulmans devront ouvrir des écoles islamiques. Ces écoles ne favoriseraient-elles pas la réussites des jeunes issus de l'émigrations. Vu le déclins de l'école public n'est pas une bonne chose ? Autour de moi de plus en plus de personnes inscrivent leurs enfants dans des écoles privés. Pourquoi pas des écoles privés islamiques ?

Ben quoi 0-°
o
9 janvier 2004 22:07
Tarik Ramadan est contre...

Bombbaker encore moins pour...

les musulmans en France, parlent beaucoup mais ne font rien, c'est Dieu pour tous et chacun pour soi...

Celui qui marche sur les pas d'un autre ne laisse pas de traces...
B
9 janvier 2004 22:36
Oussama tu peux donner tes réponses à mes questions. Je sais que Tarik Ramadan et Boumbaker sont contre. Mais qu'est que les citoyens musulmans en pensent.
Est ce que ce ne sera pas plus bénéfique que l'école public qui part "en cacahuette". J'ai vu les programmes scolaires de mes neveux. Le niveau est de plus en plus booffffff

Ben quoi 0-°
b
9 janvier 2004 23:17
Pourquoi pas une loi qui interdit aux femmes de cacher leurs fesses? On est au 21ème siècle!
9 janvier 2004 23:19

salam tlm,


Je ne comprends pas pourquoi la tunisie a deja interdit le voile dans ses ecoles et houssni Moubarak vient d'annoncer son accord pour la loi contre le foulard ??

Quelqu'un peux m'expliquer ou vas t on ?? là je ne comprends plus rien ..
on est entrain de se diviser ........ lahawla walakowata illa bilah

cordialement
m
10 janvier 2004 00:04
Parce que Ben Ali (tunisie) et Moubarak(égypte) ne sont pas des modèles loin de là!

M
10 janvier 2004 19:09
Qu'est-ce-qui dérange le foulard ou une MINI-jupe qui exite les hommes et favorise l'harcèlement SEXUEL. Ou deux homosexuels qui s'embrassent.Donc, il nous faut une loi anti-mini jupe et une loi anti-homosexuel
M
10 janvier 2004 19:10
salam

Qu'est ce que la logique a avoir dans tout cela ? De quelle logique au juste parles tu ?

S'il s'agit de la logique cartésienne, alors sache qu'une loi va à l'encontre des droits fondamentaux des individus, une atteinte à la liberté individuelle, mais cela on a du mal à le voir tant on est aveuglé par un débat biaisé et hypocrite.

Pour ton information et poura abonder dans le sens de ta sacro sainte "logique", que l'avis du Conseil d'Etat du 27 Novembre 1989 stipule que le droit des élèves "comporte pour eux le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissments scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité".

Est il logique d'aller à l'encontre de cet avis ?

Sache aussi qu'il en va de même pour l'Europe, même s'ils votent leur loi, les jeunes concernées pourront porter plainte auprès des instances européennes et la France sera déboutée.

Je ne suis pas personnellement convaincu de l'importance de porter le voile, seul compte l'esprit de notre texte saint, l'esprit d'une pudeur à avoir....tant pour les hommes que pour les femmes.
Mais cette posture ne m'empêche nullement d'être scandalisé par une loi qui porte atteinte à une liberté individuelle.

Felwinn Sarr résume assez bien la situation autour d'un débat vide de sens et traduisant autre chose qu'une question de voile......et ils nous appartient de saisir cette autre chose pour débattre avec nos détracteurs et déconstruire les à prioris et agir sur l'inconscient collectif de ce pays qui perçoit l'islam comme un danger (raccourcis qui se font dans les esprits entre le 11 septembre, les talibans en Afghanistan.....).
Felwinn Sarr : "Le port du voile est une démarche autocentrée dont le but premier n'est pas d'indiquer l'islamité. On se refuse d'entendre que c'est d'abord un rapport à soi. Pourquoi semble-t-il alors ostensible et provoquant alors que le but visé est la discrétion ? Il ne l'est que dans la mesure où il heurte mes conceptions (moi = le détracteur du voile). Puisque je n'adhère pas à ce que tu es, le simple fait que tu le sois me choque. Ici le raisonnement se fait de mon point de vue, moi le détracteur du voile. Puisqu'il me choque et que je l'ai investi de la pire des significations, tu dois l'ôter! Mes représentations, aussi fausses qu'elles puissent être, doivent primer sur ta liberté. Le prosélytisme c'est tenter de convertir autrui à ses croyances. En quoi porter le voile est-il prosélyte ? Par contre, imposer à autrui de se conformer à sa propre vision du monde en violant sa liberté de conscience, en le stigmatisant, en effectuant un chantage à l'éducation est une attitude pire le que le prosélytisme le plus agressif.".

Je ne vais pas m'éterniser, mais j'espère camarade que la lecture de ses remarques te feront méditer sur tes positions.

Pour information, tant que j'y suis, puisque les laïques intégristes semblent si entrain à sauver la laïcité.......pourquoi ne s'opposent ils pas avec la même vigueur aux statuts cléricaux d'exception dont jouissent l'Alsace et la Lorraine puisque les prêtres, les évêques et les rabbins y possèdent le statut de fonctionnaires et sont rémunérés par l'Etat ?

Et comme ils brillent aussi par leur silence devant les pressions excercées par le clergé catholique qui imposait un jour dans la semaine (jeudi remplacé par le mercredi) pour assurer les cours de cathéchisme lors du débat sur l'aménagement des rythmes scolaires

Veilllons à ne pas tomber dans la rail de l'hypocrisie ambiante, et ouvrons les yeux pour extraire de ces attaques l'essence et les apprentissages qu'il nous faut en tirer......pour être en mesure de déconstruire les peurs que l'occident ressent vis à vis de l'islam et plus globalement des musulmans et d'apporter sérénité, de rassurer que notre islam n'est pas ce qu'ils ont pu en saisir au travers du terrorisme et autres images d'Afghanistan.

salam alaïkoum
Moha.

_____ salam alaïkoum, moha
m
10 janvier 2004 20:07
Moi je suis d'accord avec Philistin et wanasa....
Ce verset du coran, (comme tous les autres d'ailleurs) ne doit pas etre pris au mot a mot, a la premiere signification... parce que si on prend le Coran comme ça mais alors la y'a catastrophe!!! ainsi donc quant Allah nous demande de prendre les armes et de detruire les non musulmans il faut faire comme tous ces fous qui tuent des milliers d'innocents???!!!!!
NON, NON, et NON!!!!
Allah nous recommande a nous les femmes d'avoir une tenue vestimentaires descentes, mais avant cela il a demandé aux hommes de baisser leur regard et de ne pas regarder les femmes, ensuite et seulement ensuite il a demander aux femmes de couvrir leurs atouts afin de ne pas susciter la convoitises.
Donc une tenue descente et c'est tout, le voile n'est pas obligatoire.
Et c'est a vous les hommes en premier lieu d'arreter de nous devisager car vous etes vous les premiers dans le haram quant vous regarder une fille, pas nous qui avons une tenue decente et correcte mais pas de voile.
La faute est d'abord aux hommes qui ne savent pas resister a leurs desir.
Amicalement
b
10 janvier 2004 23:05
C'est Dieu qui connait la faute de qui, et chacun assumera sa responsabilité devant lui. Mais obliger les autres à ne pas lui obéir parce qu'on est pas à la hauteur de le faire nous meme, c'est la stupidité absolue!
10 janvier 2004 23:38


salam tlm,


Suis d'accord avec toi Bilal ... Il parait que c'est un signe de la fin du monde

lahawla wala kowata illabillah

codialement
o
11 janvier 2004 00:01
sur la question du port des signes religieux a l'école
Président et Rapporteur
M. Jean-Louis DEBRÉ,
Président de l'Assemblée nationale
--
TOME II - 2ème partie
AUDITIONS
(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
Education.
La mission d'information sur la question du port des signes religieux à l'école, est composée de : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président et Rapporteur ; M. François BAROIN, Mme Martine DAVID, MM. Jacques DESALLANGRE, René DOSIÈRE, Hervé MORIN, Éric RAOULT, membres du Bureau ;
Mmes Patricia ADAM, Martine AURILLAC, MM. Christian BATAILLE,
Jean-Pierre BLAZY, Bruno BOURG-BROC, Jean-Pierre BRARD,
Jacques DOMERGUE, Jean GLAVANY, Claude GOASGUEN,
Mme Élisabeth GUIGOU, MM. Jean-Yves HUGON, Yves JEGO,
Mansour KAMARDINE, Yvan LACHAUD, Lionnel LUCA,
Hervé MARITON, Christophe MASSE, Georges MOTHRON,
Jacques MYARD, Robert PANDRAUD, Pierre-André PÉRISSOL,
Mmes Michèle TABAROT, Marie-Jo ZIMMERMANN.
TOME SECOND
SOMMAIRE DES AUDITIONS
Les auditions sont présentées dans l'ordre chronologique des séances tenues par la mission.
Voir le sommaire des auditions
2ème partie du tome II
- Table ronde regroupant Mme Thérèse DUPLAIX, proviseure du lycée Turgot de Paris 3ème, Mme Micheline RICHARD, proviseure du lycée professionnel Ferdinand Buisson d'Ermont dans le Val-d'Oise, Mme Elisabeth BORDY, proviseure du lycée Léonard de Vinci de Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis, M. Pierre COISNE, principal du collège Auguste Renoir d'Asnières dans les Hauts-de-Seine, M. Régis AUTIÉ, directeur d'école élémentaire à Antony dans les Hauts de Seine, M. Olivier MINNE, proviseur du lycée Henri Bergson de Paris 19ème (séance du 1er juillet 2003) 6
- Audition de M. Abdallah-Thomas MILCENT, médecin, auteur de l'ouvrage « Le foulard islamique et la République française, mode d'emploi » (séance du 1er juillet 2003) 35
- Table ronde regroupant MM. André LESPAGNOL, recteur de l'académie de Créteil, Daniel BANCEL, recteur de l'académie de Versailles, Paul DESNEUF, recteur de l'académie de Lille, Alain MORVAN, recteur de l'académie de Lyon, Gérald CHAIX, recteur de l'académie de Strasbourg, et Mme Sylvie SMANIOTTO, représentant M. Maurice Quenet, recteur de l'académie de Paris, chef de cabinet du recteur, magistrate, chargée des problèmes de communautarisme à l'école (séance du 8 juillet 2003) 58
- Audition de M. Yves BERTRAND, directeur central des Renseignements généraux (séance du 9 juillet 2003) 83
Voir la suite des auditions
Table ronde regroupant
Mme Thérèse DUPLAIX, proviseure du lycée Turgot de Paris 3ème,
Mme Micheline RICHARD, proviseure du lycée professionnel Ferdinand Buisson d'Ermont dans le Val-d'Oise,
Mme Elisabeth BORDY, proviseure du lycée Léonard de Vinci de Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis,
M. Pierre COISNE, principal du collège Auguste Renoir d'Asnières dans les Hauts-de-Seine,
M. Régis AUTIÉ, directeur d'école élémentaire à Antony dans les Hauts de Seine,
M. Olivier MINNE, proviseur du lycée Henri Bergson de Paris 19ème

(extrait du procès-verbal de la séance du 1er juillet 2003)
Présidence de M. Eric RAOULT, membre du Bureau
M. Eric RAOULT, Président : Je vous adresse les excuses du Président Jean-Louis Debré, que les obligations liées à la discussion du projet de loi sur les retraites empêchent de présider cette réunion.
Nous avons souhaité entendre des chefs d'établissement des académies de Paris, Créteil et Versailles, tout particulièrement sensibles à ce dossier pour le vivre au quotidien dans leur établissement.
Mesdames et messieurs, vous allez nous faire part de votre expérience et de la façon dont vous avez été amenés à traiter ce dossier dans le cadre de votre responsabilité de chef d'établissement. Ensuite mes collègues poseront des questions complémentaires.
Mme Thérèse DUPLAIX : J'ai effectivement eu à connaître, comme un certain nombre de mes collègues, de ce problème qui tourne en réalité autour de la laïcité en France. Le lycée Turgot est un lycée du 3ème arrondissement, au centre de Paris, mais il accueille dans son district d'affectation des élèves de six arrondissements (1er, 2ème, 3ème, 4ème, 10ème et 19ème). Nous sommes dans le quartier du Sentier, conquis en partie par les Chinois. C'est un melting-pot composé de 25 % d'élèves d'origine de confession juive - je dis bien « d'origine » -, 25 % plutôt maghrébins, musulmans ou non, un peu moins de 20 % de Chinois, des ressortissants de différents pays d'Afrique Noire et quelques autres qui ne sont d'aucun de ces territoires.
J'ai commis un article intitulé : « La laïcité en action », dont je vous en donne lecture.
« Il y a une dizaine d'années, dans un lycée de Seine-Saint-Denis, un étudiant marocain à l'origine du port du foulard islamique par trois jeunes filles, accepte après d'âpres discussions de le leur faire poser mais me dit : « Madame, dans x années, c'est nous qui vous dirons ce qu'il faut faire ».
Cette année, dans un lycée parisien - le mien - du prosélytisme tente de s'installer : des jeunes filles se disent menacées physiquement si elles parlent à un camarade d'une autre communauté. Dans un autre lycée parisien, des jeunes filles se voilent avant de sortir, expliquant qu'il s'agit d'un moyen de protection : sans voile, on les considère « faciles » ». J'ajoute - ce n'était pas dans l'article - que quand elles sortent du lycée, elles vont saluer les quelques jeunes hommes, ou moins jeunes, habillés de façon musulmane, qui les saluent au passage et leur donne l'autorisation de repartir chez elles.
« Des professeurs disent qu'il est difficile d'enseigner certaines parties de leur programme, en histoire, en géographie ou en science, car les élèves disent être heurtés dans leurs convictions religieuses.
Cette présente année scolaire encore, j'accuse un élève de prosélytisme après avoir découvert qu'il transportait dans le lycée des manuels et des écrits religieux et qu'il proposait aux élèves de prier pour obtenir de bons résultats scolaires. Il me répond le lendemain après réflexion : « Madame, je vous assure, je ne fais pas de « proxénétisme » ».
Vu et entendu à la télévision : une jeune fille voilée entre dans la cour d'un collège et déclare face à la caméra que le port du voile lui a été autorisé dans son collège, car elle ne fait pas de prosélytisme. Elle ajoute : « Le port du voile fait que des camarades me posent des questions et comme cela nous parlons de religion ».
Qui comprend les termes « proxénétisme », « prosélytisme » ? Au-delà de l'anecdote, ces simples épisodes sont révélateurs d'une totale méconnaissance d'un certain nombre de termes comme « laïcité », « prosélytisme », dont on pense à tort que le sens, les concepts et les valeurs morales qu'ils sous-tendent sont partagés par tous.
Ce n'est absolument pas le cas. Comment se comprendre alors ? Pour être respectées, admises et vécues, les règles doivent d'abord être connues. Il y a là un immense travail, pour l'école en particulier.
La laïcité apparaît comme un concept flou éminemment évolutif, contingent et toujours incertain. Le combat pour son existence se pose comme un débat philosophique, religieux, sociologique etc.
L'idéal moderne de laïcité est un édifice fragile que l'immense majorité des peuples ne connaît pas. En France, après la loi de séparation de l'église et de l'Etat de 1905, le fait religieux quitte le domaine public pour se réduire à la sphère privée. Au-delà de l'abandon de toute religion d'Etat, cette loi proclame à la fois que les affaires de la cité ne sont plus soumises à la surveillance du clergé et que le pouvoir politique garantit la liberté des cultes.
Dans les périodes d'atonie où l'affrontement des communautés se sent peu, la lutte pour la laïcité paraît moins immédiate, quelquefois même un peu ringarde. Actuellement, ce n'est pas le cas. Alors que les intégristes de tout bord utilisent les armes de l'intimidation, de la contrainte morale ou religieuse, pour imposer leur vision sommaire et hégémoniste, il est nécessaire de réaffirmer que la religion relève seulement du choix individuel, de l'ordre privé, de la conscience intime.
Un ministre de l'éducation nationale a écrit : « L'idée française de la nation et de la République, respectueuse de toutes les convictions - en particulier religieuses - exclut l'éclatement de la nation en communautés séparées, indifférentes les unes aux autres, ne considérant que leurs propres règles et leurs propres lois, engagées dans une simple coexistence. Il y a à vivre actuellement la laïcité comme un fait positif qui permet à l'idée républicaine de se développer et fait barrage aux dérives communautaires ».
Ce principe mérite d'être le point de départ de cette politique volontariste. Il est nécessaire de retrouver actuellement le sens de ce que j'appelle « la laïcité en action » ouverte et positive mais intransigeante dans sa rigueur conceptuelle, respectueuse des différences mais consciente de la nécessité qu'il y a de procéder à son apprentissage.
L'école républicaine et laïque ne peut pas tolérer que les adolescents qu'elle a pour mission de structurer, d'ouvrir au monde et aux autres, se replient volontairement et craintivement dans l'intégrisme d'une communauté. C'est dans l'article 2 de la constitution de 1958 qu'a été introduit pour la première fois le mot laïcité : « La France est une République indivisible, laïque et démocratique. » A l'école, s'enseignent, se discutent et s'intègrent les valeurs laïques sur lesquelles repose notre société.
L'existence de la laïcité est la seule chance pour que chacun, élève et professeur, trouve dans l'école l'espace de liberté dans lequel s'exerce la raison critique en dehors de toute vérité révélée ; l'espace de liberté dans lequel chaque adolescent, chaque adolescente forge son esprit sans se retrouver contraint par son appartenance à une communauté identitaire et a fortiori religieuse ; l'espace de liberté dans lequel les filles peuvent évoluer sans se voir opposer un interdit de par leur sexe et le port d'un voile qui les sépare du reste de l'humanité ; l'espace de liberté enfin, qui permet à chacun au-delà de toute appartenance spécifique et de l'expression légitime de son altérité, d'accéder à l'universalité de l'humaine condition.
En somme, la laïcité permet de s'appuyer sur les différences qui unissent et non qui divisent.
Le débat est difficile, car il touche au plus profond de nos consciences, de nos convictions et, selon les époques et la situation sociale et politique dans lesquelles nous nous situons, même les mots sont piégés. L'accusation de victimiser une partie de la population, se transforme très vite en anathème. C'est pourquoi, les convictions républicaines et laïques ont à s'affirmer fortement. Les petits renoncements et les reculs attentistes ne peuvent que contribuer à défaire le tissu même de la République.
Voici un bref extrait des attendus de l'avis actuel du Conseil d'Etat : « L'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses ne fait pas obstacle à la faculté pour les chefs d'établissement d'exiger des élèves le port de tenues compatibles avec le bon déroulement des cours ».
Est-ce vraiment aussi simple ? Que fait un chef d'établissement de cela, dans notre société actuelle ? Quels sont les moyens à sa disposition au-delà de la persuasion lorsque la pression est trop forte ? Pourquoi des propos aussi prudents ? Pourquoi rejeter sur le praticien, sur le terrain, la seule responsabilité de la décision nette et claire ? Je n'ai encore, tout au long de l'exercice de ma profession, jamais exclu un élève pour port de signe distinctif ou de prosélytisme, mais jusqu'à quand la force de persuasion et la pression de la communauté éducative dans son ensemble me le permettront-elles ?
Les professeurs se retrouvent en première ligne pour former ces esprits critiques, seuls capables de transcender l'aliénation aux seules origines communautaires, qu'elles soient culturelles, sociales, ethniques ou religieuses. Il est nécessaire d'aider professeurs et chefs d'établissement dans cette tâche, de les aider à faire comprendre puis à faire appliquer ces principes libérateurs.
La loi actuelle sur l'interdiction des signes distinctifs et du prosélytisme à l'école pousse au dialogue et c'est bien.
Mais dans les lieux scolaires, où la pression, quelle que soit sa nature, est puissante - terroriste ? -, où le consensus du corps éducatif se révèle fragile ou inopérant, il est nécessaire que la loi de la République se dise dans toute sa force et propose un cadre réglementaire précis qui permette aux établissements de faire respecter les principes et les valeurs spirituelles sur lesquelles repose notre République. »
M. Eric RAOULT, Président : Je vous remercie. Nous avons écouté avec une attention toute particulière la lecture de votre article et vous avez rappelé la réalité de votre lycée. Comment avez-vous affronté cette situation ?
Mme Thérèse DUPLAIX : Je le décrivais dans le début du texte, en particulier pour le prosélytisme. Je vais être plus précise. Une enseignante m'a fait savoir, lors d'un conseil de classe, que par des attitudes (elle avait vécu en Afrique du Nord), elle pensait que l'un des élèves transportait des objets qu'il ne voulait pas poser à terre. Je l'ai convoqué avec témoins - jamais seule - et lui ai fait défaire son sac. Il en a sorti des livres « scientifiques » musulmans, que j'ai feuilletés, dans lesquels il était dit, par exemple, que la goutte d'eau avait été créée par Dieu de telle façon que lorsqu'elle tombe elle ne frappe pas la tête du pèlerin passant dessous, et un certain nombre de points de ce type. Il a également sorti le tarbouche et nous a expliqué, tout à fait ingénument, que lors des contrôles, il priait et indiquait à ses camarades comment prier pour avoir de bonnes notes. Il avait lui-même 4 de moyenne.
Tout au long de l'explication et des questions que j'ai posées, j'ai été très vite convaincue que, dès qu'il sortait du lycée, il partait dans l'une des mosquées du 19ème arrondissement, que nous connaissons bien, et jouait le rôle d'un transmetteur de l'islam, rôle qu'il pensait également pouvoir jouer dans le lycée. Je ne l'ai pas fait passer devant le conseil de discipline à la demande du rectorat qui a été sage sur ce point. Il est passé en commission de discipline au cours de laquelle l'ensemble des membres a rappelé très fermement ce qu'étaient le prosélytisme et la laïcité. J'avais moi-même passé une heure et demie dans la classe pour expliquer aux 33 élèves la différence entre prosélytisme et proxénétisme. Il est vrai que ces mots, de même que celui de « laïcité », ne font pas sens pour eux.
L'élève a signé un contrat et 15 jours plus tard a mis son poing dans le nez d'un Chinois - heureusement pas d'un de mes élèves Juifs - et nous l'avons exclu pour brutalité. Il n'a pas été exclu pour prosélytisme.
Récemment, au cours des épreuves du bac, j'ai vu arriver un garçon portant à la fois le pantalon, la longue robe de feutre, le keffieh, et qui pensait composer ainsi. Nous avons été relativement fermes parce qu'il y a également eu des essais d'entrée avec kippas et quantité d'autres choses qui sont formellement interdites.
Le Service inter académique des examens et concours (SIEC) nous a donné l'ordre, comme dans un autre établissement, d'accepter le jeune en question puisque, transformé en centre d'examen, le lycée n'est plus uniquement sous mon autorité mais sous celle du SIEC. Devant témoins, il a tout défait, posé les cassettes qu'il avait autour du ventre, le Coran ; il se dévidait et secouait son keffieh pour qu'il n'y ait rien dedans. Il a tenu trois demi-journées et, à la quatrième, n'est pas revenu.
M. Eric RAOULT, Président : Je propose d'écouter l'ensemble des chefs d'établissement et qu'ensuite les questions soient posées.
Mme Micheline RICHARD : Le lycée professionnel Ferdinand Buisson comporte trois secteurs d'activité : les métiers de la mode, un secteur ouvrages du bâtiment et un secteur tertiaire, à peu près équivalents. Cela représente 600 élèves environ, dont les origines, peut-être vais-je vous choquer, ne me préoccupent guère, à l'inverse de leurs examens, les objectifs vers lesquels je dois les conduire, la qualité de la vie scolaire et le souci que tout se passe dans la meilleure sérénité possible. Quelle que soit leur origine, ils sont ce qu'ils sont : des jeunes.
Je le dis aisément, car je suis dans un secteur très calme, près de la gare d'Ermont-Eaubonne, dans une zone pavillonnaire dont les habitants se plaignent rarement du lycée, sauf parfois en raison de problèmes de violence à la gare générés, parfois il est vrai, par nos élèves ou par des personnes qu'ils connaissent dans leur cité.
Nous recrutons nos élèves sur 92 communes dont 38 % sont situées dans des secteurs de « zone d'éducation prioritaire » (ZEP). Certains enfants ont de graves difficultés sociales, à hauteur de 38 % de boursiers dont 60 % d'entre eux à plus de 10 parts, 20 % sont des jeunes qui doivent faire appel à des fonds sociaux de lycéens. Ces élèves sont français pour 80 % d'entre eux.
J'ai été concernée de plein fouet par cette affaire de voile puisqu'il m'a fallu le gérer dès mon arrivée dans cet établissement en 2000. J'étais auparavant à Garges-les-Gonesses où j'ai travaillé 4 ans et je suis arrivée en même temps que Mme Nelly Olin, sénateure-maire, avec laquelle j'ai beaucoup travaillé et dont l'intelligence a permis de faire de cette ville quelque chose de mieux que ce qu'elle n'était.
Nous étions confrontées à des problèmes de voile avec des enfants qui comprenaient assez vite. Je les convoquais dans mon bureau et leur disais : « Tu sais, tu portes cela sur la tête mais les enfants étant ce qu'ils sont, ils vont te considérer très différentes des autres et ce n'est pas une bonne idée ». En général, ce discours simple suffisait. Nous avions repéré des professeurs, un notamment dont on m'avait dit qu'il ne serrait pas la main des femmes et que, peut-être, dans un coin reculé de l'établissement, il allait faire sa prière. Cela se disait, mais après tout, la sphère privée est très difficile à définir.
D'autres difficultés sont à signaler : le problème des jeunes filles dont les pères ne voulaient pas qu'elles aillent à la piscine, des médecins complaisants leur donnant des certificats.
Il faut également noter un conflit auquel je n'ai pas assisté mais qui a fait l'objet d'un dossier considérable : à une jeune fille qui n'avait pas écrit le nom de Dieu dans sa copie et avait mis « D. », conformément à la religion juive qui interdit d'écrire et de prononcer le nom de Dieu, le professeur avait déclaré : « D avec un point, pour moi, signifie « route départementale ». Le père a rédigé une longue lettre disant qu'il trouvait inadmissible la réponse du professeur.
Il avait aussi été question de Samson, décrit par le professeur comme un garçon sans cervelle, quelque peu influencé par les femmes puisqu'il n'écoutait que ce que Dalila lui disait. Ces propos avaient choqué les parents qui avaient bien évidemment écrit. Le professeur s'était donné la peine de répondre par une démonstration de 25 pages, fondée sur les versets de la Bible. Ce professeur a eu ensuite de nombreux soucis. Il avait certainement raison et, à l'université, il aurait pu évoquer cette glose mais, dans un collège du second degré à Garges-les-Gonesses, cela me paraissait très inapproprié, si je peux me permettre cette analyse.
Je suis arrivée à Ermont après 4 ans dans cet établissement difficile mais passionnant et j'y ai été immédiatement confrontée à une affaire dite « de voile », au cours du premier trimestre, avant même d'avoir pu changer quoi que ce soit au règlement intérieur qui ne me paraissait pas bien ficelé. Il s'intitulait « contrat scolaire » mais tout y était interdit. Je n'ai pas eu le temps de rédiger un vrai règlement avant qu'intervienne ce problème de foulard en décembre.
Je dois dire que, dans cette affaire, nous avons été soutenus par nos inspecteurs d'académie respectifs, mais j'ai compris qu'il n'était pas facile de gérer une affaire de foulard. J'ai une section Force ouvrière extrêmement importante qui en a fait un leitmotiv syndical : trois professeurs sont allés dans une classe pour déloger les jeunes filles qui refusaient d'ôter un bonnet de leur tête, dont une particulièrement déterminée et arrogante. Très rapidement, un conflit est né avec un professeur, mon adjoint ayant cité la circulaire Bayrou selon laquelle un signe distinctif non ostentatoire est permis et ayant dit à la jeune fille : « Tu sais, le bonnet peut suffire, mais le foulard, non ». La jeune fille, qui était d'une intelligence assez remarquable, a déclaré : « Dans ce lycée, personne ne sait ce qu'il dit. Il y a ceux qui disent que je peux porter un bonnet et ceux qui disent que je ne peux pas en porter ».
Mon objectif était d'éviter que le lycée soit mis à feu et à sang par cette affaire, parce que lorsque les professeurs sont en grève, les élèves ne travaillent pas. C'était ma première année et je n'avais pas envie de commencer avec telle une affaire. Je m'en suis ouverte auprès des personnes qui travaillent avec moi habituellement, y compris des adjoints au maire, membres du conseil d'administration et les réponses ont été : « Oh ma pauvre, je vous plains ! ». J'ai quand même dû gérer l'affaire !
Je sentais bien qu'avec cette jeune fille, qui ne cessait de me parler de ses droits et du droit européen, qui déclarait que nous étions bien moins ouverts que les Hollandais, les Anglo-saxons, le Danemark, tous les pays d'Europe et surtout du Nord, nous allions nous retrouver devant les tribunaux si nous ne répondions pas valablement - ce qui nous est arrivé d'ailleurs. Je m'en suis ouverte auprès de la ministre Garde des Sceaux, Mme Guigou, qui m'a renvoyée à mon institution l'Education nationale. Voilà ce que je lui ai écrit :
« Madame la ministre Garde des Sceaux, j'ai l'honneur de m'adresser à vous afin qu'un conseil, voire un appui, puisse nous être apporté dans le conflit qui nous oppose à deux familles de notre établissement et dont les filles ont la volonté de porter sur la tête un foulard qui leur permette, selon leurs différentes assertions, tantôt de protéger leur pudeur, tantôt de manifester un signe d'appartenance religieuse. Jusqu'à maintenant, ce souhait a été unanimement considéré par l'équipe pédagogique comme une manifestation de croyance à caractère ostentatoire et il n'a pas été possible, au terme d'une année de conflit, de trouver un compromis avec l'équipe enseignante. L'attitude d'une des jeunes filles a été très déterminée, alléguant de faire valoir ses droits, conduisant dans sa classe et dans l'établissement une rébellion qui a conduit à des pétitions et mouvements de protestation d'un certain nombre de ses camarades ».... (150 élèves environ, parmi lesquels il y avait des Benoît Dupont, des Adélaïde Martin qui trouvaient tout à fait inacceptable que l'on empêche cette fille de porter son bonnet.) « ... contre un professeur qui avait refusé de l'accepter en cours, coiffée d'un turban ».
Je précise qu'à l'entrée de l'établissement, elle ne portait pas le voile (nous avions réussi à obtenir cela) mais la petite a tenté le coup dans sa classe.
« Certes, nous n'ignorons pas les derniers aboutissements des recours de familles dans les tribunaux et quelle qu'a pu être la position du Conseil d'Etat, notre problème actuel réside dans l'incomplétude d'arguments pour convaincre l'une ou l'autre des parties, professeurs d'une part, jeunes filles d'autre part, afin d'arriver à un compromis. A l'issue d'un conseil éducatif l'une des jeunes filles - la plus déterminée - a admis notre position et s`y est pliée (entrer tête découverte en cours) mais, en avril est revenue sur la décision arrêtée, avec sa famille ».
On dit que ce sont les hommes qui veulent que les filles portent des foulards, mais dans cette affaire, le père ne le voulait pas et la mère disait que nous n'étions pas très libérés.
A chaque fois que je recevais la famille, le père me disait : « Mme Richard, je ne veux pas qu'elle le porte, mais elle le porte, que voulez-vous que je fasse ? Elle vous embêterait ! » J'ai répondu qu'elle avait crée du désordre à cause de cela. L'avocat m'a dit : « Mme le proviseur, c'est parce que vous bafouez ses droits inaliénables ».
L'affaire se déroulait à un très mauvais moment, car nous étions en grande période de grève non-stop, c'était en avril 2000. Pendant un mois et demi, nous avons dû compter les professeurs en grève, lutter pour que les cours se déroulent dans la mesure du possible et, bien évidemment, ces gamines en ont profité pour entrer de temps à autres dans les cours avec leur bonnet. Et puis, elles sont allées plus loin. Elles ont mis un ensemble de foulards superposés dont le symbolisme ne faisait aucun doute.
Je disais à Mme la ministre : « Il revient au chef d'établissement d'assurer le calme et la discipline dans l'établissement afin que les élèves puissent bénéficier de la sérénité qui s'impose dans la poursuite de leurs études. Il lui revient aussi de ne pas priver un élève de l'établissement d'un droit légitime. Le calme n'a vraiment été rétabli qu'à partir du moment où les jeunes filles ont admis la position de leurs professeurs, qui était celle du règlement intérieur de l'époque ».
Je me permets de préciser que le rectorat m'a demandé de modifier le règlement intérieur qui parlait de « ports distinctifs », afin qu'il ne soit pas attaquable devant le tribunal administratif.
« J'ai gagné le calme au prix de ne plus admettre l'entrée en cours des deux filles. En prenant cette position, je les ai empêchées de suivre leur enseignement. Une telle décision pouvait engager les familles à aller plus loin et à recourir à un avocat, ce qu'elles ont fait. »
J'ai reçu la jeune fille et son avocat qui m'a dit qu'il discutait gentiment avec moi mais que bientôt nous serions opposés l'un à l'autre.
« Me voilà donc dans la situation suivante : admettre à la rentrée scolaire deux jeunes filles portant les attributs conformes à leurs croyances et me retrouver en opposition avec mon équipe de professeurs qui a clairement fait savoir qu'elle ne l'admettrait pas, ou donner raison aux familles en acceptant un compromis dont les professeurs ne veulent pas ».
« Les arguments des avocats parlent des droits de l'homme, de respect des principes de laïcité, du caractère indivisible de la République. Comment doit-on répondre à des parties dont les unes considèrent que l'indivisibilité de la République réside dans la reconnaissance du droit à un enseignement qui préserve les principes auxquels les lycéens devraient se conformer, s'appuyant sur les circulaires ministérielles de MM. Jospin en 1989 et Bayrou en 1994 qui réfutent le droit d'afficher des signes divers de nature à revendiquer un choix religieux et les autres qui, en vertu des mêmes grands principes, revendiquent le droit d'afficher lesdites croyances. Toute l'aide et les conseils qui m'ont été apportés jusqu'à maintenant par les autorités de l'Education nationale pour dénouer ce dilemme ne m'ont pas permis de trancher clairement. C'est pourquoi je m'adresse à vous. »
Mme la ministre m'a répondu, et je l'en remercie, car il m'est arrivé parfois d'écrire et de ne pas recevoir de réponse. A la rentrée, j'ai rencontré la déléguée ministérielle pour les affaires de voile et un compromis a été adopté, permettant aux jeunes filles de porter un bonnet en cours.
Un autre fait m'a mise dans une situation délicate. A une élève du secteur des métiers de la mode qui avait mis tous ses cheveux dans un foulard noir - c'était très joli et c'était une fort belle fille - un professeur a demandé si c'était pour des raisons religieuses. La jeune fille lui a répondu que non.
Voilà les paradoxes. Je vous dirai que le champ législatif et constitutionnel vous appartient, mesdames et messieurs, mais que le champ du droit de la femme m'interpelle. J'ai dit à cette jeune fille : « Je ne t'autorise pas à dire que je suis impudique parce que je ne porte rien sur la tête, cela me paraît une drôle d'idée », puis nous avons discuté.
Il est vrai que par ailleurs nous avons été confrontés à un pilonnage très puissant de la part des enseignants qui ont tenu des propos inacceptables sur la religion musulmane en cours. On a le droit de ne pas être d'accord, mais pas de dire qu'il est anormal que des élèves appartiennent à des associations. Je leur ai dit : « Dans la mesure où ce sont des associations reconnues, je ne vois pas pourquoi les élèves ne pourraient pas y appartenir. Vous-mêmes appartenez à des associations. »
C'est un problème très complexe, difficile, et je ne sais pas ce qu'il sera possible de faire. L'action éducative de l'école est déterminante. J'ai entendu Mme Duplaix évoquer « un consensus fragile et inopérant ». Est-ce à dire que le consensus des valeurs républicaines est actuellement fragile et inopérant ? Il faut s'interroger : pourquoi ces jeunes filles en sont-elle rendues actuellement à revendiquer ces valeurs ? Il y a une réflexion forte à faire sur les notions de valeurs républicaines. Nos élèves nous ont interpellés, elles étaient 150 à poser des questions et ce n'était pas les plus stupides : « Mais pourquoi refusez-vous ? Vous acceptez bien les minijupes. » Je leur ai dit : « Vous exagérez, il n'y a pas de minijupes. Vous êtes toutes en pantalon et je me souviens que je n'avais pas le droit d'être en pantalon quand j'avais 15 ans. » Nous avons discuté pied à pied.
Je voudrais ajouter que nous avons du régler un problème sérieux cette année avec un jeune homme qui était la proie de personnes extrêmement dangereuses qui l'avaient endoctriné à la mosquée. Ce garçon avait d'énormes problèmes familiaux, il était en pleine crise mystique et se levait en cours pour tenir des propos incohérents. Qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai dû lui dire qu'il était malade et qu'il fallait appeler le SAMU. Voilà où nous sommes rendus !
Le jeune homme était en très grande difficulté car il était en proie à des idées sectaires. Tout le monde sait ce que la secte peut produire. Il se trouve qu'actuellement nous sommes dans le champ du religieux mais aussi du sectaire. Que faire ?
Mme Elisabeth BORDY : Je suis arrivée en septembre, après les difficultés qu'a connues le lycée Léonard de Vinci l'année dernière, avec pour mission d'assurer la sortie de crise.
Je crois qu'il existe un seuil à partir duquel la situation est verrouillée dans une communauté scolaire, un moment où il n'y a plus ni dialogue ni rencontre, seulement un désir d'exclusion de la part des enseignants. L'année dernière, des jeunes filles ont tenté d'imposer leur voile. La décision du conseil de discipline pour prosélytisme a été cassée pour vice de forme parce que le règlement intérieur n'avait pas été voté en conseil d'administration dans les temps et délais impartis.
Un protocole de sortie de crise a été mis en place autorisant le port d'un foulard clair sur la nuque, laissant apparaître la racine des cheveux et les oreilles, sauf pendant les cours d'éducation physique et sportive (EPS) et les cours d'expérimentation.
Quand les professeurs m'ont demandé à la rentrée ce que j'allais faire pour le foulard, j'ai répondu que j'allais appliquer le protocole élaboré avec les inspecteurs du rectorat de Créteil. C'est grâce à ce protocole que nous sommes revenus à un climat serein. Cela a demandé de temps et de la vigilance. L'accueil des élèves était assuré à la porte par le proviseur, les conseillers principaux d'éducation (CPE) et les surveillants. On a pratiqué le dialogue et la fermeté.
Le problème s'est reposé en période d'examen quand les jeunes filles sont revenues avec le foulard noir noué sur la nuque - l'une de l'établissement et une candidate libre. Le climat était suffisamment serein, pour que les enseignants comprennent que nous étions dans une situation réglementaire différente et l'ont accepté. J'ai seulement demandé aux jeunes filles de dévoiler leurs oreilles pour prouver qu'il n'y avait pas d'intention de fraude, ce qui a été accepté.
C'est pour dire la difficulté des situations. Faire une loi spécifiquement sur le foulard ? Je n'y crois pas. Ce serait stigmatiser un signe et cette loi serait inopérante. Comment faire appliquer une loi quand il s'agit de centimètres de tissu ?
Il n'est pas possible d'inscrire dans le règlement intérieur l'interdiction de tout couvre-chef. Les faits sont beaucoup plus anecdotiques et beaucoup moins symboliquement forts. Par exemple, il y a une bataille souterraine à propos des casquettes. Pour les interdire, nous nous appuyons sur l'exigence d'une « tenue convenable ».
Dans la description de la tenue convenable, la casquette ne figure pas. Mais allez faire entendre cela à des garçons qui voient les jeunes filles avec des foulards ! La difficulté pour nous c'est l'obligation de persuasion et de dialogue.
M. Olivier MINNE : J'essaierai d'être court et de ne pas répéter ce qui a été dit. D'entrée, en réponse à la question que nous pose la mission, je dirais que je me range du côté de ceux qui estiment nécessaire que les règles de mise en oeuvre de la laïcité à l'école publique soient rappelées et redéfinies par la loi. Cette attente dans laquelle je me trouve, comme beaucoup de mes collègues, repose sur mon expérience et sur la situation actuelle de mon établissement. Elle n'exclut cependant ni les nuances ni les interrogations.
Je suis personnel de l'Education nationale depuis 20 ans, actuellement proviseur d'une petite cité scolaire du 19ème arrondissement de Paris, le lycée Henri Bergson, après avoir dirigé une importante cité scolaire de l'Ile-de-France, le lycée de Rambouillet et d'autres sites scolaires de province auparavant.
L'établissement que je dirige depuis deux ans est composé d'un lycée et d'un collège où se côtoient 1 500 élèves de toutes nationalités. 15 % d'entre eux sont de nationalité étrangère et 33 nationalités sont représentées, de toutes origines, essentiellement des pays du Maghreb, d'Afrique et de Chine - comme au lycée Turgot - de toutes catégories sociales, avec une surreprésentation des catégories les moins favorisées et, sans doute aussi, de toutes cultures et de toutes appartenances religieuses. Le quartier, au pied des Buttes-Chaumont, concentre traditionnellement une assez forte population juive et plusieurs membres du personnel enseignant revendiquent leur appartenance à cette communauté.
L'établissement traverse de nombreuses difficultés, fortement amplifiées par les médias, surtout cette année, mais il n'apparaissait pas jusqu'à présent que les relations entre les élèves fussent significativement marquées par des phénomènes de racisme ou d'appartenance à telle ou telle communauté religieuse. L'établissement, dans son ensemble, est porteur d'une culture laïque, clairement mise en œuvre dans son règlement intérieur, comme dans son activité pédagogique.
Notre règlement intérieur a été mis à jour et entièrement remanié à la rentrée 2002 pour une mise en conformité avec les nouvelles dispositions nationales ; il est commun au collège et au lycée et affirme les principes de neutralité politique et de laïcité dans son premier chapitre consacré aux droits et obligations des élèves. Sous ce même titre, il précise que le droit actuel est fixé par l'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989, cité dans le texte et, par ailleurs dans un autre chapitre intitulé : « Les règles de vie dans l'établissement » un paragraphe, entièrement consacré à la tenue vestimentaire, stipule explicitement que le port de tout couvre-chef de quelque nature que ce soit est totalement interdit dans les locaux couverts de l'établissement. Une fois entrés en classe, les élèves doivent quitter leurs vêtements d'extérieur, manteau ou blouson, gants, sauf autorisation liée à une situation particulière.
Cette règle, appliquée avec une vigilance soutenue, permet jusqu'à présent de dissuader la plupart des tentatives d'arborer des signes distinctifs, religieux ou non et elle est désormais bien admise par l'ensemble des élèves, même si elle donne lieu à des jeux provocateurs - je mets la casquette, je l'enlève sur un rappel à l'ordre et je la remets aussitôt que le surveillant a le dos tourné - ou à des discussions sempiternelles sur le fait que tel ou tel ornement de coiffure est ou non un couvre-chef, mais cela relève plus du jeu que de la provocation.
Je peux donc dire que la question des signes religieux n'est pas au centre des préoccupations de la vie scolaire au lycée Bergson. Cependant, plusieurs faits récents indiquent qu'il existe une volonté chez certains élèves musulmans d'affirmer leur appartenance religieuse au sein de l'école, voire de pratiquer la religion dans l'enceinte de l'établissement.
J'en citerai quatre : nous avons observé à la rentrée 2002 quelques tentatives de pénétrer avec un voile chez deux ou trois jeunes filles qui ont été rappelées au règlement intérieur et qui ont renoncé assez facilement au port du voile. Quelque temps après, elles ont demandé à être dispensées de natation et, même scénario, se sont heurtées à une position vive de leurs enseignants. Le conflit n'a été évité que par un détour intellectuellement peu satisfaisant : la production d'un certificat médical attestant d'une inaptitude à cet enseignement.
Au mois de novembre, nous avons vécu un Ramadan plus difficile que les années précédentes et des faits concordants ont été portés à ma connaissance indiquant une tentative tout à fait explicite de prosélytisme religieux de la part de surveillants - un surveillant et un maître de demi-pension - au foyer des élèves. Dans le même temps, des pressions inacceptables ont été exercées par ces deux surveillants sur de jeunes surveillantes maghrébines au motif qu'elles ne respectaient pas le ramadan. Ces incidents ont été signalés au rectorat de Paris, ont entraîné un dépôt de plainte de la part d'une des jeunes filles, car la pression était allée loin et, après intervention de l'inspection pédagogique régionale de la vie scolaire, le déplacement du surveillant et le licenciement du maître de demi-pension.
Troisième fait : à la même époque il m'a été signalé fortuitement que des garçons auraient été surpris à plusieurs reprises dans un couloir peu fréquenté du 6ème étage entre midi et 14 heures, faisant la prière. Ce qui aurait pu n'être qu'une rumeur m'a été confirmé ensuite par le témoignage précis et digne de foi d'un membre de l'équipe d'encadrement qui a précisé que ces garçons avaient introduit un tapis de prière, mais qu'il n'avait eu, de son côté, aucune difficulté à faire obtempérer les élèves et à leur faire quitter les lieux. Les élèves affirmaient ignorer qu'une telle pratique puisse être interdite, ce qui est quand même surprenant.
Autre fait : la demande émanant d'un petit groupe d'élèves, repérés comme militants, que soit enlevé le sapin de Noël installé dans le hall puisqu'il leur était interdit de manifester leur identité religieuse. Les explications nécessaires ont été données sur les origines païennes de cette décoration. Le fait est anecdotique, mais semble prouver la recherche d'une affirmation identitaire minoritaire contre une culture ressentie comme dominante.
Dans le même esprit, plusieurs étudiants de section de technicien supérieur en voyage d'étude en Normandie avec leur professeur, ont formellement refusé de participer à la visite du Mont-Saint-Michel au motif que l'abbaye était un lieu de culte.
La communauté juive, également présente dans l'établissement, n'affiche aucun signe et n'adopte en aucune façon un comportement prosélyte. Font cependant exception les périodes d'examen. En ces occasions, il arrive qu'un élève, voire un correcteur, appartenant à un établissement privé de confession israélite, tente d'imposer à son jury le port de la kippa. Ainsi, le 14 mai, un candidat de section professionnelle passant des épreuves d'EPS a refusé d'ôter sa kippa malgré la pression forte du jury et de mon adjoint qui gérait le centre d'examen. Il nous a fallu consulter le SIEC. Il a été considéré que le règlement intérieur de l'établissement n'était pas opposable en la circonstance, parce que l'examen se passait sous l'autorité du SIEC et non sous celle du chef d'établissement et, qu'au nom du principe d'égalité, l'élève devait être a admis à passer les épreuves, ce qui s'est passé sans encombre.
Les quelques faits que je viens d'exposer démontrent la réalité d'un certain prosélytisme religieux. Cette réalité reste contenue dans mon établissement. D'une certaine manière, nous pouvons dire que nous nous sommes accommodés de la jurisprudence et que le dialogue et la persuasion ont permis de maintenir la cohésion de l'établissement et de surmonter les risques de crise. Cependant, rien ne permet de garantir que cet équilibre fragile puisse perdurer, tout d'abord parce que les tentatives de gagner du terrain sont manifestes, de plus en plus nombreuses et concertées, ensuite parce qu'elles rencontrent chez certains personnels une opposition farouche, passionnelle, qui parfois ne fait qu'exacerber la situation.
Je prends le risque de dire qu'il existe aussi une forme d'intégrisme laïque qui ne facilite pas la tâche du chef d'établissement appelé par fonction - et peut-être aussi par tempérament - à surmonter les oppositions plutôt qu'à les radicaliser.
L'absence de cadre légal précis nous met en situation de devoir agir, en quelque sorte, en juge de paix, de rechercher des compromis plus ou moins acceptables, d'inventer une sorte de droit local. Ce fonctionnement permet certes de vivre ensemble dans un esprit de tolérance et dans le respect du pluralisme culturel et religieux, mais il me semble qu'il cesse d'être possible et, en tout cas, devient extrêmement inconfortable pour les personnels de direction, quand se développe une démarche offensive, délibérément contraire aux valeurs laïques.
M. Pierre COISNE : J'ai été confronté à différents degrés au problème du foulard. Je suis arrivé au collège Renoir en 1998 et une affaire assez importante avait déjà eu lieu en 1996 qui s'était terminée par l'exclusion d'une jeune fille par conseil de discipline, laquelle jeune fille avait été ensuite scolarisée dans une école coranique. Cela avait marqué la communauté scolaire et influencé par la suite la position de l'équipe pédagogique.
Quand je suis arrivé, la situation était beaucoup moins tendue et critique. J'ai été confronté ensuite au port du foulard par la jeune sœur de la première élève exclue. J'avais choisi la voie du dialogue compte tenu de la position du corps professoral, beaucoup moins offensive. Ensuite, j'ai été confronté au port du foulard par une autre famille dont les deux sœurs étaient scolarisées dans mon collège.
Nous pouvons dire qu'au collège il n'y a pas eu de position véritablement globale et organisée. Il s'agissait plutôt de familles identifiées pratiquant ce type d'intégrisme. La ville d'Asnières est divisée en quartiers nord et sud, le nord étant un quartier de cités où est également situé le collège Malraux, cité dans la presse pour des faits spécifiques, mais pas des problèmes de foulard.
Mon collège se situe à 300 ou 400 mètres de ce collège, sans être situé en ZEP, mais à la frontière entre les quartiers nord et sud. Le collège comporte 850 élèves, la population étant composée à 80 % de jeunes Français d'origine maghrébine ou africaine et l'on ne peut pas dire qu'il existe une résistance organisée ni un militantisme des organisations islamistes.
Les problèmes de foulard qui se sont présentés ont été réglés au cas par cas. Quand j'ai eu affaire à des familles assez résistantes, le dialogue a été beaucoup plus difficile et je me suis contenté, avec l'appui des inspecteurs d'académie, d'appliquer l'arrêt du Conseil d'Etat bien connu : un port du foulard dans des conditions discrètes sans prosélytisme et assistance à tous les cours.
La famille de la sœur de la jeune fille qui avait été exclue a d'ailleurs changé d'attitude, puisqu'elle s'est complètement pliée à l'arrêt du Conseil d'Etat, et la jeune fille ne nous a plus posé de problème car elle a été extrêmement discrète. Avec l'autre famille, la situation a été plus difficile. J'ai dû affronter des personnes assez agressives qui sont venues dans mon bureau avec un avocat pour tenter de m'intimider. J'ai eu recours au conseil de la médiatrice du ministère de l'éducation nationale.
M. Eric RAOULT, Président :: Quel âge avait ces jeunes filles ?
M. Pierre COISNE : 14 ans. La sœur de celle qui avait été exclue est entrée à 11 ans en 6ème et a fait sa scolarité jusqu'en 3ème. Dans l'autre famille, nous avons eu la sœur en 6ème et en 5ème. Elle est partie en fin de 5ème, sans que nous sachions où elle a ensuite été scolarisée. Elle est sans doute partie à l'étranger mais nous n'avons pas eu de nouvelles. Sa petite sœur est entrée en 6ème. Elle travaillait très bien mais il y a eu sanction avec des avertissements pour qu'elle enlève son voile pendant les cours de sciences naturelles et d'éducation physique. Comme elle ne l'enlevait pas, le professeur l'excluait et la mettait en permanence, et les sanctions sont montées jusqu'à l'exclusion temporaire et la commission de discipline. A la fin de l'année scolaire, j'ai écrit à la famille qu'elle ne serait plus reprise dans ces conditions à la rentrée 2002-2003. Elle n'a pas fait sa rentrée. Sans doute est-elle également partie à l'étranger car nous n'avons pas eu de nouvelles.
D'une manière générale, on peut dire que le climat de tension dans le quartier et le collège sur ces sujets s'est apaisé au cours des deux dernières années.
En conclusion, je dirai qu'il existe une variété de situations qui nous entraînent vers une variété de réponses, nous incitent au louvoiement et conduisent à un droit local. Les autorités de l'Education nationale nous incitent à opérer un droit à géométrie variable, le danger étant qu'il faut adapter à chaque fois les règles aux situations en raison du rapport de force tant avec les familles qu'avec le corps des enseignants. Celui-ci peut se montrer résistant soit globalement soit au travers de positions individuelles marquées par un certain intégrisme laïque. Je n'ai pas eu de fortes oppositions du corps enseignant au collège, sauf des positions individuelles demandant, lors des répartitions de classes, à ne pas avoir ces jeunes filles dans leurs classes.
Je réclame, comme mes collègues, une position claire des autorités sur le problème pour aider les chefs d'établissement qui se sentent bien seuls pour gérer ce problème complexe.
M. Régis AUTIÉ : Nous connaissons une situation tout à fait particulière puisqu'elle ne concerne pas des jeunes filles mais une enfant. Nous sommes dans une école située en zone d'éducation prioritaire dans le sud d'Antony. Les enfants accueillis viennent d'un grand ensemble situé à cheval sur les villes d'Antony et de Massy.
Nous avons une population d'enfants qui est pour 40 % d'origine maghrébine et 60 % d'origine d'Afrique noire avec de nombreuses familles de religion musulmane. La particularité de l'école réside dans la très grande précarité économique et sociale des familles qui, en même temps, attendent beaucoup de l'école publique et laïque.
J'ai entendu plusieurs de mes collègues parler « d'intégrisme laïque » et vu des sourires sur certains visages. Je me suis pourtant parfois retrouvé dans ces propos, mais nous pourrons en parler ensuite.
Je rappelle par ailleurs que dans une école élémentaire le directeur d'école n'est pas le supérieur hiérarchique de ses collègues, n'est pas fonctionnaire d'autorité et n'a pas à composer avec ce que mes collègues proviseurs décrivent comme étant les « enseignants ». Les enseignants à l'école élémentaire, c'est l'ensemble de l'équipe et, sur le sujet, nous avions une position commune, ce qui a permis d'avoir non pas une position d'enseignant, mais une position de l'école.
Le cas concerne une petite-fille qui était en CE2 en décembre 1999, âgée de 8 ans et demi, et dont la famille avait informé l'école qu'à partir de janvier 2000, l'enfant atteignant ses 9 ans, elle porterait le voile. Le premier problème, en terme d'âge civil, était qu'il s'agissait d'une petite-fille de 8 ans et demi et non pas de 9 ans. La famille nous a expliqué qu'elle avait 9 ans en âge lunaire et qu'à partir de cet âge on était censé porter le voile. Cette position, pour une enfant aussi jeune et dans l'enseignement élémentaire, a beaucoup ému l'ensemble de la communauté éducative.
La gestion de ce dossier a été faite en deux grandes étapes : l'une partant de décembre 1999 à juin 2000, gérée par mon collègue M. Morvan. S'agissant d'un ami, j'ai suivi de très près cette affaire et je serai donc en mesure de répondre à des questions même si je n'ai pas géré le dossier dès le début. La seconde étape, que j'ai gérée directement, allait de septembre 2000 à février 2001.
La première partie concernait la gestion de la relation école/famille, et la seconde celle de la relation école/administration/tribunal administratif. Nous ne faisons pas de militantisme et ne nous présentons pas comme des cas exemplaires, mais nous avons refusé d'appliquer la décision du tribunal administratif, de façon à amener nos autorités de tutelle et politiques à prendre des décisions claires pour que les enseignants du primaire ne soient pas amenés à gérer ce type de situation au cas par cas, en fonction des interlocuteurs qu'ils ont en face d'eux ou de la position des partenaires.
Le maire d'Antony était à l'époque M. Devedjian qui avait apporté son soutien moral à mon collègue M. Morvan. Notre position n'a pas été une position d'intégrisme mais plutôt de jusqu'au-boutisme, ce qui est différent, dans le but d'amener nos institutions à prendre leurs responsabilités. L'enfant a été scolarisée après bien des épisodes dans une autre école de la commune.
Pour simplifier, notre point de vue était que le port du voile pour une enfant aussi jeune - avec un discours très militant et très argumenté de la part de la famille et portant un voile pour toutes les activités qui étaient proposées - constitue en soi un acte de prosélytisme.
Bien évidemment, le tribunal administratif a cassé la décision prise par l'inspecteur d'académie d'exclure l'enfant aux motifs qu'elle ne pouvait pas participer aux activités de gymnastique ou d'atelier, ce qui n'a jamais été notre façon d'analyser ce cas. Nous ne voulions pas utiliser des arguties pour arriver au résultat, mais nous étions intéressés par les moyens et le discours utilisés - soit les signes religieux sont autorisés, soit ils ne le sont pas. Arriver à l'exclusion d'un enfant par l'intermédiaire de la non fréquentation des cours de gymnastique ou d'autres pratiques ne nous semblait pas satisfaisant.
Le tribunal administratif a cassé la décision de l'inspecteur d'académie sur la forme et non pas sur le fond. C'est pour cela que, s'agissant de questions juridiques pour lesquelles nous ne sommes pas des spécialistes et sachant que les spécialistes pourraient toujours retourner notre position, nous nous sommes dit que, quitte à se mettre en contradiction avec la loi, autant avoir une position claire, pratique et argumentée qui amènerait les autorités à se positionner tout aussi clairement. Nous devons dire que le résultat mis en place par l'administration nous a épargnés - mais ce n'était pas le but de l'opération - en déplaçant le problème auprès d'une équipe qui a eu une position moins intégriste et a accepté l'enfant.
Je ne sais pas quels sont les dégâts causés dans les équipes de collège et de lycée par ce type de problème, mais il faut savoir que, dans les écoles, les équipes pédagogiques sont constituées de collègues, ayant des liens affectifs peut-être différents de ceux qui existent chez les professeurs car les équipes sont plus petites et plus proches. A l'école, ces situations créent de grands ravages dans les équipes car elles font appel non seulement à notre pratique, mais aussi à notre position de citoyen. Si, dans notre école, nous avons réussi à obtenir une position d'école, une position commune - plutôt radicale - cela ne signifie pas que tout le monde, au départ, avait une position identique sur ce sujet, certaines étaient même assez éloignées. Dans d'autres écoles, dont celle où cette petite-fille a été ultérieurement scolarisée, il n'y a pas eu de position commune. En accord avec une partie de l'équipe, la directrice et l'inspection, l'enfant a été scolarisée et cela a généré de grands dégâts. Ainsi, ces questions créent des dérèglements dans le fonctionnement de l'école et nous pensons qu'il n'est pas opportun qu'il revienne à la base de régler ce type de problème.
M. Hervé MARITON : Je voudrais savoir comment, en tant que chefs d'établissement, vous êtes confrontés et comment vous comparez la question que je vais vous poser à celle que vous venez de présenter. On évoque les signes religieux, la laïcité et donc aussi la neutralité de l'école. Dès lors, la question de la neutralité politique se pose également. Or, une insistance plus grande depuis ces dernières années sur le thème de la citoyenneté a manifestement amené un certain nombre d'enseignants, dans des conditions rarement mises en cause, mais qui pourraient peut-être l'être, à développer des discours autour d'un certain nombre de thèmes de société. Ce n'est pas récent. J'ai vu des professeurs d'histoire qui ne juraient que par Sobourle. Aujourd'hui, des discours ouvertement engagés se sont beaucoup développés sur des questions d'actualité comme les organismes génétiquement modifiés (OGM).
Considérez-vous - ma question est périphérique mais connexe au sujet - que ces pratiques sont des pratiques de prosélytisme, attentatoires à la neutralité de l'école, d'une certaine manière, du même ordre que celle que nous évoquons au titre principal de notre mission ?
Mme Thérèse DUPLAIX : Je répondrai sur deux plans : l'école n'est pas neutre. L'école est un lieu d'apprentissage et aucun apprentissage n'est neutre. La neutralité - dont la définition est donnée dans les bons dictionnaires - est un élément plat. La mission de l'école n'est pas plate. Une école est la conséquence, le produit de ce que la société dans laquelle elle se situe lui demande de faire. Notre société nous demande de fabriquer des citoyens. C'est clairement inscrit. Le fait est que des thèmes d'actualité sont dispensés dans les différents types d'enseignement et pas seulement par les historiens. Les professeurs d'économie, dès la classe de seconde, enseignent aussi les faits de société, les faits économiques et parcourent l'ensemble des problèmes actuels.
Il est bon qu'il en soit ainsi, à partir du moment où chacun des thèmes est explicité, renvoyé aux élèves par l'enseignant en fonction de ce qu'il est - parce que vous savez que nous enseignons avec ce que nous sommes et ce que nous avons appris - et disons que les élèves ont en face d'eux des professeurs cohérents avec eux-mêmes qui disent clairement ce qu'ils ont à dire.
Mais il y a des difficultés, et si vous m'aviez demandé il y a 4 ans si l'on devait enseigner le fait religieux à l'école, j'aurais été farouchement contre. Après cet épisode récent, j'ai eu d'autres problèmes liés au voile, que j'ai parfois dû régler par le louvoiement, comme tout le monde. Ce n'est pas satisfaisant. Quand on veut faire acquérir quelque chose, il faut montrer de soi une personnalité cohérente, sinon on produit chez celui qui se construit des comportements qui seront semblables. Nous avons à rappeler la rigueur et la droiture.
J'ai rapporté en propos liminaire le cas de ce garçon qui, ayant réfléchi après l'explication claire et franche que nous avions eue, est venu me dire : « Madame, je dis aux élèves comment prier pour avoir de bonnes notes mais je ne fais pas de « proxénétisme » ». Quand je suis allée en classe et que je me suis rendu compte que parmi les 33 élèves, garçons et filles de toutes origines et confessions, aucun pratiquement ne savait ce que voulait dire « prosélytisme, laïcité, religion, sphère privée », je me suis posé des questions.
Pour faire réfléchir, il faut savoir. Rien n'est pire que l'ignorance. Les adolescents que nous avons au lycée ne savent plus certaines choses auxquelles nous adhérions ou pas, mais dont nous avions tous, peu ou prou, entendu parler, que ce soit au catéchisme ou chez le pasteur. Maintenant, nous avons en face de nous des adolescents qui ne savent pas ce qu'il y a derrière ces mots, et qui sont prêts à accepter n'importe quelle secte qui leur en propose un sens, quelque chose qui les rassure. Enfin, quelqu'un va leur parler d'assurance même si c'est une assurance dans une vie meilleure dans l'au-delà ! Quelqu'un leur dira autre chose que : « Si tu n'as pas ton bac, tu seras à la rue et au chômage ». Quelqu'un va leur dire : « Viens chez moi, tu pries et tu as une communauté autour de toi ».
Mme Micheline RICHARD : Quand le fameux keffieh s'est porté dans les années 70/72 autour du cou de certains lycéens, voire de certains professeurs, personne ne trouvait à redire. Maintenant, ce sont de jeunes musulmans et tout le monde trouve cela anormal. Qu'avons-nous perdu qui fait que nous ne sommes plus congruents ? J'ai organisé un conseil éducatif mais certains de mes enseignants m'ont dit : « Nous ne serons pas présents. Nous voulons que l'Administration - dont je fais partie - (avec un grand A) prenne ses Responsabilités » (avec un grand R, je pense également). Il existe un problème de congruence de l'école face à ces valeurs et quand une petite me dit : « Vous n'êtes pas logique parce que Mme Unetelle ne dit rien », je me suis demandé pourquoi nous avions une polymorphie dans nos attitudes ? Quelque part, n'avons-nous pas laissé aller certaines choses ?
M. Hervé MARITON : En toute logique, un élève peut-il porter un insigne de SOS Racisme ?
Mme Micheline RICHARD : D'après l'avocat, cela est réglé par la loi. Je n'ai pas été au-delà de cette affaire sur le plan du droit, si ce n'est que je me suis souvenu d'une loi que j'ai apprise quand j'étais au lycée : les articles 1 382, 1 383 et 1 384 du Code Civil qui disposent que nous sommes responsables des personnes et des biens qui sont sous notre garde. Les élèves sont sous notre garde quand nous les avons sous notre responsabilité. On parle de refaire une loi. Je trouve que la loi Evin est parfaite mais j'ai le plus grand mal à la faire respecter chez moi, y compris par les professeurs. Les lois, c'est bien, à condition toutefois de pouvoir les faire respecter !
Mme Thérèse DUPLAIX : Chez moi, pas d'insigne de SOS Racisme. C'est un ensemble. J'ai écouté les filles musulmanes qui se plaignaient de ne pas pouvoir parler aux garçons israélites de leur classe, qui se revoilaient avant de sortir car elles ne voulaient pas traverser la cité sans voile au risque de faire l'objet de quolibets et même se retrouver dans un fond de cave dans des situations difficiles.
J'ai entendu des filles qui parlaient - c'est un terme galvaudé - d'une double aliénation parce qu'elles sont doublement persécutées de par leur position de fille. Ce ne sont pas les garçons qui portent le voile, ce sont les filles. Cela les renvoie à leur position de femme à l'intérieur de la cité puisqu'elles viennent de cités ou de petites rues derrière le lycée qui ne sont pas forcément faciles à traverser quand il est 1 heure du matin, même en plein centre de Paris. Cela m'a renvoyée à mon passé de militante féministe quand on me disait il y a 40 ans : « Vous vous plaignez de ne pas pouvoir sortir le soir, d'avoir peur d'être agressée et que ce soit inadmissible mais vous n'avez qu'à pas sortir la nuit toute seule ». Cela n'est pas admissible.
M. Jacques MYARD : Avez-vous le sentiment que derrière, qu'on le veuille ou non, un certain nombre d'adultes mènent le jeu ?
Mme Thérèse DUPLAIX : Oui.
M. Jacques MYARD : Et que dans le cas des adolescents, il existe à la fois une manipulation, une provocation, une crise d'adolescence ?
Je voudrais avoir des précisions, surtout sur le cas de la jeune fille de l'école primaire âgée de 9 années lunaires dont il a été question.
Avez-vous le sentiment qu'en manquant de fermeté immédiate par la réaffirmation des principes, il n'y aurait pas dérive ?
Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu'il serait utile de rappeler, dans la loi, que le règlement intérieur est de la compétence du chef d'établissement et de son conseil et qu'il ne saurait y avoir éruption des avocats dans ce domaine ?
Mme Thérèse DUPLAIX : Ce n'est pas à nous de le dire, mais à vous.
M. Olivier MINNE : A la question : « Avez-vous le sentiment qu'il y a des adultes derrière ? » Il faut répondre très sagement : « Oui, mais pas toujours ». Parfois, il est évident que les jeunes sont entraînés par des adultes convaincus, organisés et qui savent très pertinemment ce qu'ils font, mais ce n'est pas toujours le cas. Des jeunes filles souhaitent porter le voile, simplement par opposition à leurs parents ou par souci de se protéger, sans être nécessairement dans une mouvance aussi construite.
Il n'existe pas sur ce point de réponse générale. Il est certain que les problèmes se posent d'autant plus vivement qu'il y a risque, avec l'intervention d'avocats et autres intermédiaires, que la question soit préparée, organisée et concertée ; parfois tellement préparée que les médias sont en deuxième ligne derrière l'avocat pour faire bonne mesure et même parfois en première ligne, avant l'avocat.
Je crois, comme vous l'avez dit, à la fermeté immédiate comme meilleure garantie de la dérive. Plus on indique clairement les limites et plus elles sont respectées. Plus on est ferme, cohérent et congruent, plus on garantit et prévient les dérives. Mais on ne trouve pas toujours des situations aussi nettes et il faut reconstruire pas à pas, en reconquérant le territoire perdu - le fameux territoire perdu de la République - ce qui n'est pas possible en n'apportant que du strict. Il faut baliser, limiter et je crois à la fermeté, mais aussi au dialogue, à l'esprit de conviction et de tolérance.
La question du port de l'insigne de SOS Racisme me laisse perplexe, ne serait-ce que parce que j'ai été l'un de ces proviseurs qui, à l'appel de leur ministre, a organisé des journées d'engagement, j'ai invité SOS Racisme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), les Etudiants juifs de France, Handicap International et toutes sortes d'associations. Nous avons débattu, organisé le 1er décembre, à plusieurs reprises, des manifestations de solidarité autour du problème du sida avec des élèves qui arboraient des insignes rouges en cocarde. Où cela commence-t-il, où cela s'arrête-t-il et qui connaît la limite ? Pas plus que la hauteur des mini jupes ; je ne suis capable de répondre.
M. Jean-Pierre BRARD : Il existe une obligation pour les enseignants que nous avons précisée dans la loi sur les sectes : éveiller l'esprit critique, alimenter la réflexion des enfants et leur livrer en même temps l'outillage conceptuel leur permettant d'appréhender la contradiction, sinon l'Education nationale est défaillante.
Je suis très frappé que nos invités - et cela confirme le sentiment que nous pouvions avoir à la suite de précédentes auditions - qui « ont les mains dans le cambouis » concluent tous de la même manière, même
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11 janvier 2004 00:04
sur la question du port des signes religieux a l'école
Président et Rapporteur
M. Jean-Louis DEBRÉ,
Président de l'Assemblée nationale
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TOME II - 3ème partie

AUDITIONS

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
Education.
La mission d'information sur la question du port des signes religieux à l'école, est composée de : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président et Rapporteur ; M. François BAROIN, Mme Martine DAVID, MM. Jacques DESALLANGRE, René DOSIÈRE, Hervé MORIN, Éric RAOULT, membres du Bureau ;
Mmes Patricia ADAM, Martine AURILLAC, MM. Christian BATAILLE,
Jean-Pierre BLAZY, Bruno BOURG-BROC, Jean-Pierre BRARD,
Jacques DOMERGUE, Jean GLAVANY, Claude GOASGUEN,
Mme Élisabeth GUIGOU, MM. Jean-Yves HUGON, Yves JEGO,
Mansour KAMARDINE, Yvan LACHAUD, Lionnel LUCA,
Hervé MARITON, Christophe MASSE, Georges MOTHRON,
Jacques MYARD, Robert PANDRAUD, Pierre-André PÉRISSOL,
Mmes Michèle TABAROT, Marie-Jo ZIMMERMANN.
TOME SECOND
SOMMAIRE DES AUDITIONS
Les auditions sont présentées dans l'ordre chronologique des séances tenues par la mission.
Voir le sommaire des auditions
Voir les auditions précédentes
3ème partie du tome II
- Audition de M. Roland JOUVE, chargé des questions cultuelles au cabinet de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire (séance du 15 juillet 2003) 230
- Table ronde regroupant M. Farid ABDELKRIM, membre de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), accompagné de M. Charafeddine MOUSLIM, M. Yamin MAKRI, membre du Collectif des musulmans de France, accompagné de M. Fouad IMARRAINE, Mme Malika AMAOUCHE, militante féministe, Mme Malika DIF, écrivain, M. Bruno ETIENNE, directeur de l'observatoire du religieux à l'IEP d'Aix-en-Provence, Mme Françoise GASPARD, universitaire, Mme Dounia BOUZAR, chargée de mission à la protection judiciaire de la jeunesse (séance du 16 septembre 2003) 244
- Table ronde regroupant M. Mohamed ARKOUN, professeur émérite d'histoire de la pensée islamique de la Sorbonne Paris III, Mme Jeanne-Hélène KALTENBACH, essayiste, co-auteur de l'ouvrage « La République et l'islam », Mme Bétoule FEKKAR-LAMBIOTTE, personnalité qualifiée membre du Comité de conservation du patrimoine cultuel, M. Abdelwahab MEDDEB, professeur de littérature comparée à Paris X, auteur de l'ouvrage « Les maladies de l'Islam », Mme Camille LACOSTE-DUJARDIN, ethnologue spécialisée dans l'Afrique du Nord, auteur de l'ouvrage « Les filles contre les mères », M. Antoine SFEIR, directeur de la rédaction des « Cahiers de l'Orient », auteur de l'ouvrage « L'argent des islamistes », Mme Wassila TAMZALI, avocate, présidente du forum des femmes de la Méditerranée-Algérie et M. Slimane ZEGHIDOUR, journaliste à « La Vie », auteur de l'ouvrage « Le voile et la bannière » (séance du 17 septembre 2003) 275
- Table ronde regroupant M. Michel MORINEAU, créateur de la commission « laïcité et islam », Mme Fadela AMARA, présidente de la Fédération des maisons des potes, Mme Aline SYLLA et M. Khakid HAMDANI, membres du Haut conseil à l'intégration, MM. Michel TUBIANA et Driss EL-YAZAMI, président et vice-président de la Ligue des droits de l'homme, Jean-Michel DUCOMTE, président de la Ligue de l'enseignement, M. Richard SERERO, représentant de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), M. Mouloud AOUNIT, secrétaire général et Mme Monique LELOUCHE, responsable du secteur éducation du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples (MRAP), et MM. Dominique SOPO et Mamadou GAYE, président et secrétaire général de SOS Racisme (séance du 24 septembre 2003) 302
- Table ronde regroupant M. Georges DUPON-LAHITTE, président et M. Faride HAMANA, secrétaire général de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), Mme Lucille RABILLER, secrétaire générale de l'association des Parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP), M. Bernard TEPER, président de l'Union des familles laïques (UFAL), Mme Véronique GASS, vice-présidente et M. Philippe de VAUJUAS, membre du bureau national de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL) (séance du 24 septembre 2003) 335
- Table ronde regroupant les syndicats d'enseignants, MM. Daniel ROBIN et Gérard ASCHIERI, Fédération syndicale unitaire (FSU), Mme Françoise RAFFINI, membre du bureau fédéral et M. Thomas JANIER, membre de la direction fédérale de la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture-CGT (FERC-CGT), M. Hubert RAGUIN, secrétaire fédéral de Force Ouvrière enseignement (FO-Enseignement), M. Jean-Louis BIOT, secrétaire national du Syndicat des enseignants-membre de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA), M. Hubert DUCHSCHER, secrétaire national du Syndicat national unitaire des professeurs d'école (SNUIPP), Mme Stéphanie PARQUET-GOGOS, secrétaire générale du Syndicat Sud-Education du Cher, M. Hubert TISON, secrétaire général de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie (APHG), M. Patrick GONTHIER, secrétaire général de l'UNSA-Education (séance du 30 septembre 2003) 359
Voir la suite des auditions
Audition de M. Roland JOUVE, chargé des questions cultuelles au cabinet de
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire

(extrait du procès-verbal de la séance du 15 juillet 2003)
Présidence de M. Jean-Louis DEBRÉ, Président
M. le Président : Vous êtes secrétaire général de l'administration scolaire, membre du cabinet du ministre délégué à l'enseignement scolaire, chargé des établissements privés, des langues régionales et de la relation école et religion.
Il s'agit pour nous de déterminer s'il faut légiférer sur le problème du port de signes religieux à l'école et je me suis laissé dire - mais vous nous direz si cela est vrai - que vous n'êtes pas hostile à la présence, dans un établissement scolaire, de jeunes femmes voilées. Est-ce exact ?
Si vous êtes pour, si cela ne vous choque pas, dites-nous pourquoi. Si cela vous choque, dites-nous également pourquoi. Par ailleurs, la réglementation et la jurisprudence du Conseil d'Etat vous paraissent-elles être suffisantes ? Pensez-vous au contraire qu'il faut une loi et si oui, quelle loi ?
Vous pourrez nous préciser, à titre d'information, si beaucoup d'établissements religieux se constituent en France, puisque j'ai vu récemment qu'un lycée musulman allait ouvrir ses portes très prochainement dans le Nord de la France, mais peut-être y a-t-il d'autres établissements ?
M. Roland JOUVE : J'avais prévu un exposé liminaire plus général sur la question dont j'ai la charge.
M. le Président : Vous pouvez nous le faire parvenir par écrit, mais il serait intéressant de répondre à nos questions et surtout à la question essentielle que nous nous posons.
M. Roland JOUVE : Je ne crois pas pouvoir personnellement répondre à la question de savoir s'il faut interdire ou non le port d'un signe religieux dans les établissements scolaires. Je crois qu'il faut partir de la signification du port d'un signe religieux dans un établissement scolaire.
Traditionnellement, nous avons une vieille pratique de liberté en matière de port de signes religieux, que ce soit la croix, la kippa ou autres signes quels qu'ils soient. Il est vrai que port du foulard islamique a donné une actualité tout à fait particulière à la question du port d'un signe religieux.
Est-on pour ou contre le port du foulard islamique ? Le Conseil d'Etat essaie d'éviter une interdiction générale et absolue de tout port de signe religieux, car il est vrai que l'on a une multiplicité de ports de signes religieux, éventuellement de ports d'insignes philosophiques ou d'ordre politique qu'il est extrêmement complexe de détailler, de cataloguer et sur lesquels il est très difficile de se prononcer.
Le port d'un signe religieux en lui-même illustre une appartenance personnelle, l'expression d'une liberté individuelle. Personnellement, je trouve qu'il est important de souligner cet élément. En quoi pourrait-on être choqué et en quoi pourrait-on penser que le port d'un signe religieux tel que le voile islamique pourrait être de nature à perturber la relation normale d'enseignement qui doit s'établir dans une classe, la relation normale de l'élève au professeur, la relation normale de l'élève à l'élève ? En quoi le port du voile islamique ou d'un signe religieux pourrait-il perturber cette relation ?
Il faut savoir pourquoi cela a posé problème.
Dans l'avis du conseil d'Etat, la jurisprudence et la pratique administrative qui en ont résulté, ce qui a été mal perçu par les personnels sur le terrain, c'est l'impression qu'on les laissait se débrouiller tout seuls en leur disant d'appliquer un avis qui est ce qu'il est, sans interdiction générale et absolue, avec une interdiction lorsque le port d'un signe religieux - en particulier le voile - s'accompagne d'atteintes à laïcité, lorsque le port du voile s'accompagne de comportements délictueux, en infraction avec les règles de la laïcité.
Ce sentiment d'abandon a posé problème depuis l'origine. Il a entraîné parfois des réactions dont on peut s'étonner car certaines ont abouti à demander le retrait pur et simple de tout signe religieux, qu'il soit ostentatoire ou pas. C'est finalement par rapport à cela qu'il faudrait peut-être se prononcer.
Y a-t-il une possibilité d'appliquer actuellement l'avis du Conseil d'Etat, la jurisprudence qui en est résultée, dans un sens permettant le respect de la laïcité ? La vraie question est là.
Faut-il légiférer ou non? C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Quels problèmes avons-nous pu constater dans ce nouveau contexte ? Premièrement un sentiment d'isolement, d'absence de soutien des chefs d'établissement et des enseignants, deuxièmement une méconnaissance, souvent, ou une difficulté de connaissance des principes de laïcité, des procédures à appliquer et des grands principes et, troisièmement, nous avons très souvent pu remarquer une perte de sens des valeurs laïques.
Ces trois phénomènes nous paraissent fondamentaux pour avoir une véritable réponse laïque à la question du port d'un signe religieux à l'école. Et c'est sur ces trois aspects que nous avons souhaité commencer à travailler.
Tout d'abord, la crainte était d'instaurer une différence des droits, en se réclamant du droit à la différence. Le risque était de rompre un des grands principes de la laïcité selon lequel les individus ont tous les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Par rapport à ces questions, nous avons tout d'abord essayé, en l'absence de texte législatif nouveau - et dans le cadre de la réglementation et de la législation en vigueur -, d'améliorer le soutien des personnels qui, sur le terrain, nous paraît tout à fait essentiel.
Il y a, en effet, des difficultés liées à la rupture de la laïcité, lorsque certaines pratiques se développent, non seulement celle du port du voile mais aussi la remise en question de certains principes laïques comme le principe de non-discrimination, le principe d'assiduité (refus de participer à certains cours) le principe de neutralité par rapport aux religions, par exemple la demande dans les cantines scolaires de la mise en place de certaines nourritures ou la prise en compte de temps de prière au moment de certaines fêtes religieuses. Par rapport à tout cela, il est vrai que les acteurs du terrain, enseignants et chefs d'établissement, nous ont paru tout à fait dépourvus et isolés.
Nous avons donc souhaité structurer l'action du ministère pour entourer ces personnes, en créant une cellule nationale - une cellule de veille - qui, mise en place auprès de la direction de l'enseignement scolaire, permet d'apporter une expertise, de mutualiser les pratiques et de développer les formations.
M. le Président : Votre raisonnement consistant à dire : « Le port du foulard à l'école ne pose pas de problème et ne devrait pas en poser » ne correspond donc pas à la réalité. Il y a bien un problème.
Le milieu enseignant considère bien que le fait d'avoir dans une classe une élève qui porte un foulard, ne facilite pas la relation enseignant/élève, contrairement à ce que vous dites.
M. Roland JOUVE : Je n'ai pas dit que cela facilitait la relation enseignant/élève. Si j'ai pu le laisser penser, loin de moi cette idée. Par rapport au port habituel d'un signe religieux, le port du foulard islamique pose effectivement des problèmes nouveaux.
M. le Président : Pour vous - sans prendre position sur la nature du signe - le fait d'avoir dans une classe de 20 ou 25 élèves, 1 ou 2 jeunes femmes voilées, est-il de même nature que d'avoir un enfant avec une croix de David ou une autre croix sous sa chemise ? Par ailleurs, pour vous, le port d'un voile à l'école est-il forcément l'expression d'un signe religieux ?
M. Roland JOUVE : Quand on est dans une classe, d'un point de vue ne serait-ce que culturel, le fait d'avoir un voile est une rupture par rapport...
M. le Président : Pédagogique ?
M. Roland JOUVE : Je ne sais pas si c'est pédagogique. Le port du voile en lui-même, lorsqu'il se limite au port du voile et que l'ensemble de l'intégration de l'élève dans la classe est bonne, c'est-à-dire quand l'élève suit correctement les cours et n'exige aucun droit particulier pour sa pratique religieuse, ne constitue pas en soi une rupture. C'est bien le sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Mais, il est vrai que le fait d'avoir un voile par rapport à d'autres signes religieux moins visibles, pose problème par rapport à la pratique que l'on a en classe.
M. le Président : Dans une classe, les enseignements sont différents. On peut passer de l'enseignement du français, du calcul, à l'enseignement physique. Le fait que tous les jeunes soient en short et en polo ou tee-shirt, et qu'il y ait au milieu de ces jeunes qui font de la course à pied ou montent à la corde, une jeune femme voilée, ne pose-t-il pas un problème vis-à-vis de la communauté de classe et l'intégration de cette jeune fille à l'école ?
M. Roland JOUVE : Il est évident que dans ce contexte, le fait d'avoir une jeune fille voilée, avec tous les problèmes que cela peut poser, notamment en termes de sécurité, n'est pas un facteur favorable à l'émergence d'une communauté...
M. le Président : A tout le moins ! Permettez-moi de dire que je suis extrêmement choqué personnellement que l'on puisse dire dans un établissement laïque d'Etat que le fait d'avoir au cours d'une séance de gymnastique, une jeune fille voilée, ne rend pas impossible toute pédagogie collective. Cela rend impossible toute pédagogie collective car le port du voile n'est pas une expression forcément religieuse mais celle d'une volonté de ne pas s'intégrer. Or, une classe est une communauté. Jamais je ne parle de ma position dans ce domaine, mais je suis frappé que quelqu'un appartenant au ministère de l'éducation nationale ose dire - mais vous avez raison de le dire si c'est votre conviction - que le fait d'avoir dans une classe des jeunes filles voilées n'empêche pas la pédagogie.
M. Roland JOUVE : Il serait plus simple de dire : Non, la solution est qu'il n'y ait plus de voile ».
Bien sûr, on ne voit pas comment une jeune fille voilée pourrait participer à un cours d'éducation physique. Dans un tel cas, il existe des préceptes et des règles qui nous permettent tout à fait d'imposer que cette jeune fille soit vêtue de la même façon que les autres élèves. Mais on peut également imaginer que, parfois, les situations peuvent être complexes. Est-il possible d'endiguer le phénomène du voile autrement que par le recours à une loi ?
M. Hervé MARITON : Comme l'indiquait M. Jouve, pendant de nombreuses années, sur la base d'une tradition assez bien établie, certains signes partiellement attentatoires à la neutralité et à la laïcité étaient portés et tolérés, sans que cela crée de difficultés majeures, et il me semble qu'il y a là une finesse dont nous ne pouvons pas nous dispenser. Nous sommes passés d'une tolérance - qui allait sans doute au-delà d'une interprétation stricte de la laïcité mais dont personne ne s'offusquait - à une situation d'une autre nature sur des faits précis.
M. le Président : Pour un jeune enfant, une jeune fille ou un jeune garçon, porter une croix ou une croix de David pouvait être l'affirmation d'une appartenance religieuse. Mais on est dans une situation différente. De plus en plus, ces jeunes filles qui viennent en classe voilées ne le font pas pour affirmer une option religieuse mais pour exprimer un refus d'intégration. Je crois que nous avons tort de prendre cela sous l'aspect uniquement religieux. Si ce n'était que l'affirmation d'un signe religieux, on pourrait se dire : c'est un signe plus voyant qu'un autre, mais l'Etat laïque et l'école laïque autorisent tous les signes religieux ou aucun. Là, c'est différent. A cet égard, un certain nombre de nos auditions sont intéressantes ; elles nous disent : « Attention, il y a une confusion. Ces jeunes femmes qui viennent voilées viennent pour exprimer ce qu'un groupe veut qu'elles expriment, c'est-à-dire le refus de l'intégration et de notre système politique, économique et social ». C'est l'affirmation du communautarisme. Or, vous ne le prenez que sous l'angle religieux.
M. Roland JOUVE : Non ! Il existe plusieurs aspects : l'aspect du voile qui peut être considéré comme un signe religieux qui existait dans le passé, et, par ailleurs effectivement, l'aspect d'affirmation communautariste, et nous voyons très bien que le port du voile aujourd'hui, quand il est l'expression d'une affirmation communautariste, est complété par une série d'autres comportements. Ce refus d'intégration, qui est très réel pour un certain nombre de jeunes filles s'accompagne également d'un refus, par exemple, de participer à certains cours ou d'entendre certains éléments de cours dans des classes. Nous sommes alors dans un contexte global de refus d'intégration : la citoyenneté proposée dans le cadre de la République est rejetée et refusée. Nous sommes confrontés à un comportement d'affirmation identitaire.
Le fait de porter simplement un voile pourrait être un comportement d'expression religieuse. Bien souvent - et le plus souvent aujourd'hui - nous nous rendons compte que le port du voile s'accompagne d'un certain nombre d'autres revendications assez précises qui, mises bout à bout, font que nous sommes confrontés à un véritable rejet d'intégration.
M. Jacques DESALLANGRE : Le fait de porter le voile n'est-il pas la reconnaissance du fait que la femme est exclue de la sphère publique ?
M. Roland JOUVE : C'est effectivement ce qu'aujourd'hui nous avons tous tendance à penser. C'est l'expression d'un élément d'inégalité, notamment entre les sexes, par la soumission claire et précise de la femme à l'homme.
M. Jacques DESALLANGRE : Est-ce compatible avec l'école laïque, qui refuse cette discrimination, cette inégalité ?
M. Roland JOUVE : Exprimé ainsi, c'est évidemment inconciliable. Le problème est de savoir comment lutter contre ce phénomène.
Il est certes possible d'envisager de légiférer. Mais nous nous sommes rendu compte, en regardant comment nos établissements réagissent face au problème du voile et face à des comportements de type communautariste - car le voile n'est qu'un des éléments de comportements communautaristes, il y en a hélas bien d'autres - que le dialogue préalable et l'attitude de fermeté des chefs d'établissement et de communautés scolaires permettent bien souvent - mais pas toujours - de régler le problème. Dans un premier temps, nous avons un voile, parfois assez léger et, très souvent, nous parvenons à faire retirer le voile lui-même par une attitude de dialogue d'une part et de fermeté d'autre part, en expliquant, notamment aux parents d'élèves, pourquoi nous souhaitons ne pas avoir ce type d'expression dans l'établissement.
Bien souvent, nous parvenons à des résultats assez intéressants et à limiter, voire supprimer complètement, le port du voile.
M. le Président : Vous avez eu conscience, dans certains des cas, de ne pas y être parvenu. Comment faut-il alors régler cette situation ?
M. Roland JOUVE : Il existe des cas, notamment dans un certain nombre d'établissements, où nous sommes confrontés à des problèmes globaux, généraux - nous les avons estimés à une centaine et peut-être un peu plus -, à une montée globale et collective d'un certain nombre de communautarismes qui sont proches d'atteintes à l'ordre public. En constatant la persistance, malgré les efforts réalisés, d'un nombre important de jeunes filles voilées qui portent atteinte à la relation naturelle d'enseignement, à la qualité de la relation entre les élèves à l'intérieur de la communauté scolaire, on peut être conduit à une interdiction pure et simple générale.
M. le Président : Si elles veulent passer outre ces interdictions ?
M. Roland JOUVE : Le problème serait le même avec une loi.
M. le Président : Que proposez-vous ?
M. Roland JOUVE : Dans la réglementation scolaire, si l'on passe outre une interdiction, on recourt à la sanction disciplinaire qu'est l'exclusion.
M. Lionnel LUCA : Vous êtes chargé des questions cultuelles au ministère de l'éducation nationale et comme j'ai un peu de mal à me repérer dans tout ce qui a été dit depuis le début, quelle note feriez-vous au ministre sur cette question ? Comment voyez-vous les choses ? Je n'arrive pas à saisir la clarté de votre position compte tenu de vos connaissances.
M. Roland JOUVE : Il est important de pouvoir lutter contre un certain nombre de phénomènes communautaristes. Nous disposons au moins de deux voies possibles : soit la voie législative, mais en réfléchissant sur ce que peuvent être les conséquences, soit un travail, qui n'est d'ailleurs pas incompatible, de réaffirmation de la laïcité. Il est très important aujourd'hui de trouver les voies et les moyens de permettre une réaffirmation claire des principes de la laïcité et de leurs modalités d'organisation sur le terrain.
Pour cette raison, nous avons d'ores et déjà pris un certain nombre d'initiatives visant à rappeler et clarifier ces principes de laïcité : principes de l'obligation scolaire, de la continuité du service public, d'assiduité et de non-discrimination. Nous sommes confrontés à un vrai problème de terrain et il faut que, sur le terrain, tout le monde puisse disposer des instruments nécessaires pour lutter contre ce type de communautarisme.
M. le Président : Pour prolonger ce que vous avez répondu à M. Luca, pour vous, le voile à l'école ne peut être considéré comme une manifestation ostentatoire susceptible de troubler le bon fonctionnement de l'établissement scolaire ?
M. Roland JOUVE : Il peut l'être dans certains cas.
M. le Président : Donc, il ne l'est pas toujours. Ma question est précise et reprend celle que M. Luca voulait vous poser : en tant que tel, le port du voile à l'école n'est pas pour vous un signe ostentatoire susceptible de troubler le bon fonctionnement des classes ?
M. Roland JOUVE : Quand on regarde...
M. le Président : Ma question est précise et ne suppose pas de longs développements : le voile, pour vous, est-il ou non un signe ostentatoire, susceptible de troubler le bon fonctionnement d'un établissement ou d'une classe ?
M. Roland JOUVE : Il peut l'être.
M. le Président : La laïcité de l'école n'est pas mise en cause par une jeune femme qui porterait un voile ?
M. Roland JOUVE : Il me semble vraiment - ce n'est pas pour avoir une réponse dilatoire - que le problème du voile s'accompagne de bien d'autres éléments.
M. le Président : Sûrement, il est l'expression de bien d'autres choses mais, pour en revenir à une question précise, le fait, dans un établissement scolaire, d'avoir des jeunes filles voilées, n'est pas une atteinte, pour vous, aux principes mêmes de la laïcité ?
M. Roland JOUVE : Tel que c'est vécu aujourd'hui, oui.
M. Jacques DESALLANGRE : Je voudrais lire un passage de la circulaire du ministre de l'éducation nationale du 20 septembre 1994 : « A la porte de l'école doivent s'arrêter toutes les discriminations, qu'elles soient de sexe, de culture ou de religion ».
A partir de la lecture de cette phrase, peut-on accepter le port du voile en disant qu'il est compatible avec la circulaire du ministre de l'éducation nationale de 1994 ?
M. Roland JOUVE : Dans le droit positif actuel, on ne peut pas oublier qu'il y a un avis et une jurisprudence du Conseil d'Etat selon lesquelles, il serait illégal d'interdire - même si cela peut choquer - tout port d'un signe religieux.
M. Jacques DESALLANGRE : Cela veut dire qu'il faut d'après moi légiférer pour que la circulaire du ministre de l'éducation nationale ne risque pas les foudres du Conseil d'Etat.
M. Roland JOUVE : Nous avons tenté et nous continuons à travailler sur la laïcité et il nous paraît pour l'instant utile de mettre en place des dispositifs permettant, dans le cadre de la loi - qu'elle soit changée ou pas -, de rendre effectifs ces principes de la laïcité.
M. René DOSIERE : La cellule de veille dont vous nous avez parlé est-elle celle à laquelle appartient Mme Chérifi ou, si c'est quelque chose d'autre, en quoi consiste-t-elle ? Quel type de soutien apporte-t-elle aux chefs d'établissement ? Quand nous les avons auditionnés, je n'ai pas le souvenir qu'ils nous aient parlé d'un quelconque soutien.
M. Roland JOUVE : Mme Chérifi est médiatrice et a une mission nationale depuis novembre 1994. La cellule de veille a été mise en place à la suite de décisions prises par les ministres de l'éducation nationale et elle commence à être opérationnelle depuis le mois de mai 2003. C'est un élément tout à fait nouveau.
M. le Président : La cellule de veille dont vous parlez n'est donc pas de la médiation scolaire ?
M. Roland JOUVE : Mme Chérifi est médiatrice nationale. Elle est chargée de la médiation sur le voile et dans les établissements scolaires plus particulièrement.
A partir de là, nous avons développé une cellule de conseil, implantée au niveau national, visant à rassembler les textes, à mutualiser les pratiques et à mettre en place un ensemble concernant les textes sur la laïcité. C'est une cellule de ressources.
Cette cellule se décline dans chaque académie avec un correspondant académique et, dans un certain nombre d'entre elles, un médiateur qui joue, au niveau académique, le rôle de Mme Chérifi au niveau national, concernant les problèmes de voile et, plus généralement, de communautarisme.
M. le Président : Mais, à chaque fois qu'un problème se pose dans une académie, on appelle Mme Chérifi. A quoi sert cette cellule ? N'est-on pas en train de multiplier les échelons ?
M. Roland JOUVE : Oui, mais cette cellule nationale a été mise en place en mai ainsi que les correspondants et les médiateurs.
Il ne s'agit pas de contester ce que fait Mme Chérifi et qu'elle fait d'ailleurs très bien. L'idée est de faire en sorte que les chefs d'établissement puissent avoir un contact et un appui au niveau académique, sans attendre d'en arriver à des situations de tension extrême parce que Mme Chérifi, hélas, ne peut se multiplier au niveau local.
M. le Président : C'est donc parce qu'elle a trop de travail que vous avez mis ces structures en place ?
M. Roland JOUVE : L'idée est de parvenir à une gestion de proximité.
M. le Président : Parce que le problème se pose partout ?
M. Roland JOUVE : Dans un certain nombre d'académies.
M. le Président : Si cette cellule a été mise en place, c'est que les problèmes commencent à augmenter ?
M. Roland JOUVE : Les statistiques dont nous disposons qui sont le relevé des incidents, sont numériquement plutôt en tassement.
On pourrait donc en déduire que l'on a « baissé le drapeau » et que l'on tolère de plus en plus des sentiments d'appartenance communautaire un peu partout. Mais nous considérons qu'a priori des reculs ont eu lieu par rapport à certaines pratiques du port du voile.
Mme Martine DAVID : Nous venons d'évoquer Mme Chérifi et je voudrais savoir quelles sont vos relations de travail avec elle. Vous nous avez dépeint la situation d'une façon plutôt assez naïve. Si nous n'avions auditionné personne avant vous, je n'aurais pas une appréciation correcte de la situation. Nous avons l'impression, en vous entendant, qu'il existe quelques problèmes par-ci par-là, que le voile peut en poser mais que ce n'est pas si important.
Je suis très étonnée de l'interprétation que vous livrez à cette mission d'information et ce d'autant plus que vous êtes membre du cabinet d'un ministre - et n'y voyez aucune connotation politique. Je suis assez inquiète.
Je voudrais vous interroger et avoir une réponse précise sur la nature de vos relations de travail avec Mme Chérifi. Compte tenu de l'audition que nous avons eue avec elle, qui a été extrêmement dense et qui, je le crois, nous a apporté une vision du vécu, de ce qu'elle a pu constater elle-même depuis plus de 10 ans, comment faites-vous, au ministère de l'éducation nationale, pour travailler avec elle, pour organiser des réunions de bilan d'étape, sur l'expérience du vécu, sur des décisions et autres questions ?
M. Roland JOUVE : Mme Chérifi fait partie des personnes aux ressources importantes qui ont été mobilisées. Elle participe à un certain nombre de travaux très importants. Elle est étroitement associée à tout ce que nous faisons, et s'il y a eu prise de conscience, si un certain nombre de démarches ont été réalisées par le ministère, je crois qu'elle y a contribué assez largement, notamment pour l'élaboration d'un certain nombre de documents d'orientation et pour la réflexion sur la mise en place des cellules de proximité au niveau des rectorats. Il est apparu important d'avoir, vis-à-vis des enseignants, des ressources de proximité et non pas simplement un dispositif d'ordre national.
Je ne nie pas la difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Le problème du communautariste est un vrai problème. Mais en tant que membre du cabinet ministériel, je n'ai pas de solution simple. Peut-être y a-t-il des choses que l'on peut faire sur le terrain et peut-être faut-il travailler à ce niveau ?
Mme Martine DAVID : Vous ne répondez pas ma question. Nous avons besoin de savoir l'état actuel du travail mené par le ministère en soutien aux chefs d'établissement ; visiblement, sur cette question, il est compliqué d'avoir des réponses.
J'ajoute que Mme Chérifi nous a transmis un sentiment d'inquiétude - pour ne pas dire plus - fondé sur une réalité qu'elle vit effectivement au niveau national, ce qui peut encore renforcer notre inquiétude car nous avons l'impression que cela se multiplie partout. Elle insiste sur le fait que ce n'est pas tellement la quantité qui l'inquiète mais la nature même des problèmes rencontrés.
Vous parliez des parents d'élèves. Mme Chérifi nous fait part d'une réalité qui est la suivante : ce n'est même plus à des parents d'élèves qu'on a affaire, mais à des membres de réseaux fondamentalistes qui viennent représenter la famille aux côtés des élèves. Sommes-nous dans cette réalité ou dans la vôtre car ce ne sont pas les mêmes ?
M. Roland JOUVE : Je suis désolé si vous avez pu penser que ce n'était pas les mêmes. C'est un problème de nature et non pas quantitatif. Nous n'avons pas un développement sur toute la France de problèmes de voile, mais une structuration de comportements communautaristes dans certains endroits.
M. le Président : Il y a une contradiction entre d'une part votre approche de départ selon laquelle tout cela n'est pas très grave et n'empêchera pas la relation pédagogique et, d'autre part, la mise en place de cellules de veille dont nous nous demandons - c'est peut-être mon esprit un peu malveillant - si elles ne sont pas mises en place pour dire au législateur que nous sommes, ou à ceux qui se préoccupent de la laïcité de l'enseignement public : « Passez votre chemin, il n'y a pas de difficultés, il y a pas de problèmes. Certes, il y a d'autres problèmes dans les cités mais pas à l'école et surtout ne légiférez pas ».
Mme David a dit mieux que moi qu'il existe un décalage entre ce que nous entendons, qui est l'expression d'une vérité que nous ne remettons pas en cause, selon laquelle le problème se pose de manière très précise et qui conduit à la vraie question, que vous posez d'ailleurs et qu'il faut se poser, de savoir si oui ou non il faut légiférer, car nous constatons un développement extrêmement préoccupant de ces phénomènes de port de voile à l'école, et les propos lénifiants que vous nous servez : « Il n'y a pas de problème, ne vous inquiétez pas, le ministère s'en occupe, on met des cellules de veille ». Nous savons que ces cellules consistent à faire en sorte qu'il n'y ait aucune statistique.
M. Roland JOUVE : Nous n'avons pas statistiquement de progression sur toute la France de la question du voile mais, très clairement, une structuration d'un certain nombre de revendications communautaristes, dont le port du voile n'est qu'un des éléments parmi d'autres. Certains éléments, en allant au-delà, nous paraissent beaucoup plus graves que le port du voile qui au début pouvait être combattu sans trop de difficulté. Nous sommes confrontés dans un certain nombre d'établissements scolaires et de zones à une approche globale que l'on appelle communautariste.
Mme Martine DAVID : Signes et comportements ?
M. Roland JOUVE : Surtout des comportements. Tout d'abord, le refus d'un certain nombre d'enseignements. Nous le voyons très nettement. Refus par exemple des sciences de la vie mais pas seulement. Refus dans des cours d'histoire d'un certain nombre d'enseignements. Nous avons l'exemple typique de l'enseignement de la Shoah avec le développement des thèses négationnistes et surtout la contestation d'un certain nombre d'enseignements du fait religieux. Des tensions peuvent ainsi naître à l'occasion d'un enseignement sur les croisades ou sur l'islam au VIIIème siècle. C'est alors l'autorité même de l'enseignant qui est remise en cause.
C'est un premier fait qui nous paraît important.
M. Lionnel LUCA : C'est très grave.
M. Roland JOUVE : Effectivement et nous comprenons que ce soit mal vécu par nos enseignants, c'est évident.
On observe également, un certain nombre de comportements liés au refus de la mixité : non seulement de la part des jeunes filles, mais parfois de la part des garçons, qui se traduisent par des exemptions des cours d'éducation physique. Là, nous sommes désarmés car, bien souvent, nous recevons des certificats médicaux que nous ne pouvons pas contrôler.
Il y a aussi tous les types de communautarisme liés aux comportements : l'attitude dans la cour avec la définition de territoires ; lors du jeûne du ramadan, des garçons viennent parfois contrôler l'accès du self pour éviter que de supposés coreligionnaires viennent se restaurer. Nous pourrions multiplier les exemples.
M. Yvan LACHAUD : M. le Président, une remarque et une question :
Je veux bien que l'on parle d'un phénomène peu important, mais j'ai été choqué et troublé d'apprendre d'un des recteurs que nous avons entendus qu'il y avait 59 voiles dans un lycée de Villeneuve-d'Ascq. Cela me paraît justifier une intervention assez rapide, car cela signifie que des chefs d'établissement, des principaux et des proviseurs peuvent être amenés à réagir de façon différente et que la laïcité est en danger dans notre République.
Par ailleurs, si l'on devait légiférer dans ce domaine, comment pensez-vous qu'il faudrait traiter de l'enseignement privé sous contrat ? Je pense à un article de presse paru sur ce lycée musulman privé, hors contrat pour l'instant, et qui titre: « Classe mixte, voile autorisé, mais non obligatoire ». N'y aurait-il pas lieu quand ce lycée demandera sa mise sous contrat au bout de 5 ans, ce qui me paraît inévitable et normal, de prendre également des dispositions vis-à-vis de l'enseignement privé sous contrat qui a mission de service public et doit respecter un certain nombre d'éléments ?
M. Roland JOUVE : C'est une question de fond. Accepterons-nous d'avoir des établissements privés sous contrat d'association, qui auront des classes non mixtes avec des jeunes filles - même si le voile n'est pas obligatoire - qui seront toutes voilées - car il ne faut pas se leurrer, c'est ce qui se passera - avec des enseignements dont nous ne serons pas sûrs que nous pourrons, au quotidien, vérifier qu'ils sont conformes au contrat ? Quand l'inspection se déroulera, naturellement, tout sera conforme, mais ensuite, au quotidien, nous l'ignorerons.
C'est une question extrêmement difficile étant donné la réglementation applicable aux établissements d'enseignement privé sous contrat d'association selon laquelle ces établissements doivent fonctionner suivant les règles du service public : mêmes programmes, mêmes règles et accueil de tous les élèves, sans discrimination.
Tout le monde tient à ce que les établissements privés sous contrat d'association fonctionnent de cette façon puisqu'ils sont un des éléments particuliers du service public. Le problème est de savoir si nous sommes prêts à accepter des établissements de ce type.
C'est une vraie question. Il faut être très attentif aux établissements privés, car un certain nombre d'entre eux sont parfois confrontés aux mêmes problèmes que les établissements publics. Nous ne le disons pas assez, mais des établissements catholiques ont été confrontés au problème du voile, avec parfois des difficultés assez similaires à celles que nous rencontrons dans le public. Si une loi intervenait sur l'enseignement public, elle devrait en toute logique s'appliquer également aux établissements privés.
M. Yvan LACHAUD : Par rapport à la loi Debré, la notion de « caractère propre » est-elle assez précise ou pas pour donner des arguments réglementaires à cette question ?
M. Robert PANDRAUD : Ma question était pratiquement du même ordre. Si nous légiférons, cette loi sera applicable de plein droit - sous réserve de quelques détails d'ajustements - aux établissements privés sous contrat d'association. L'histoire nous prouve qu'on ne la fait pas appliquer et qu'elle ne s'applique pas. Nombre d'établissements, gérés par une confession, n'appliquent aucune réglementation en dehors de la loi originelle. Pourquoi le ferait-on pour d'autres établissements qui viendraient de se créer ?
Pour les manuels, un problème se pose : quelles sont les garanties d'objectivité - vieux problème - que présentent les livres scolaires ? Il existe des bibliothèques entières sur les croisades et l'on sait que les interprétations ne sont pas les mêmes : était-ce une entreprise de défense de la chrétienté ? Etait-ce la première manifestation du colonialisme ? Le refoulement de seigneurs ou de peuples, qui s'ennuyaient dans des terres pauvres et allaient chercher de l'or là-bas ?
Mon vrai problème est de savoir, dans le cas où une loi serait votée, si elle s'appliquerait aux collèges ou lycées musulmans sous contrat qui se créeront et aux établissements privés existants qui ne respectent pas la loi actuellement.
M. Bruno BOURG-BROC : Nous vous avons posé la question et je n'ai pas vu la réponse très clairement : pensez-vous qu'il faille légiférer ou pas ?
Si on légifère, l'interdiction de port des signes s'étendra-t-elle aux établissements privés sous contrat ? Je voudrais insister sur la question de M. Lachaud : le « caractère propre » n'est pas défini par la loi mais figure dans la loi de 1959. Pensez-vous qu'il faille définir à nouveau le « caractère propre » ou bien faut-il faire une croix sur le caractère propre ?
M. Hervé MARITON : Je citerai le témoignage d'une école privée sous contrat d'association de ma circonscription dans laquelle un conseiller municipal, membre du parti des Travailleurs, s'est rendu récemment et a demandé le retrait des crucifix.
M. Bruno BOURG-BROC : Gouverner, c'est prévoir. Dans l'état actuel des choses, prévoyez-vous d'autres demandes du même type que celles que vous venez d'avoir pour le lycée de Lille ? A terme, avez-vous des prévisions dans ce domaine ?
M. Roland JOUVE : Le « caractère propre » des établissements privés ne doit pas faire obstacle - et c'est toute la difficulté - au respect de la réglementation concernant l'application des programmes et des règles de l'enseignement public.
Le « caractère propre » intervient principalement - cela été discuté - dans l'ordre éducatif et dans celui de la vie scolaire ; il n'intervient pas dans l'enseignement des disciplines.
C'est un consensus assez général. La vraie question est celle du contrôle qu'il est possible d'assurer sur les établissements privés pour faire respecter le caractère laïque, la mission de service public, dans les établissements privés sous contrat d'association. C'est un droit et une obligation de l'Etat. Actuellement, ce contrôle s'effectue par des inspecteurs pédagogiques, soit inspecteur de l'Education nationale (IEN), soit inspecteur pédagogique régional (IPR).
Quant à légiférer, le « caractère propre » ne devrait pas faire l'objet d'une modification. Il est assez bien compris globalement dans l'immense majorité des cas et ne pose pas de difficulté particulière. Il me paraîtrait difficile de revenir sur l'idée du « caractère propre » qui fait l'originalité des établissements sous contrat d'association. Je crois qu'il faut conserver ce caractère propre.
M. Robert PANDRAUD : Vous faites donc du communautarisme.
M. Roland JOUVE : Je ne fais que citer la loi. Celle-ci, dans sa rédaction actuelle, distingue le « caractère propre » et le contrat. Il y aurait communautarisme si les règles du contrat étaient tournées, c'est-à-dire si dans le cadre de l'enseignement sous contrat, on appliquait des règles tout à fait dérogatoires du droit commun mais, dans la mesure où il y a application normale du contrat, je crois que nous ne nous situons pas dans du communautarisme.
M. le Président : Merci beaucoup de ces précisions.
Pour vous, le port du voile est-il un signe d'identité culturel ou religieux ?
M. Roland JOUVE : Quand on regarde le Coran, je trouve qu'il y a bien d'autres signes d'appartenance religieuse.
M. le Président : Je ne parle pas par rapport au Coran. Pour vous, le fait d'avoir dans une école quelqu'un qui porte un voile, est-il l'expression d'un signe religieux ou d'un signe culturel
M. Roland JOUVE : C'est plutôt l'expression d'un signe culturel ou communautaire, que religieux.
M. le Président : Merci.
M. Roland JOUVE : Nous commençons à mettre en place un document face aux dérives communautaristes. Je peux vous le communiquer. Il est intéressant, car il tente d'apporter, sinon des réponses, tout au moins des procédures à des questions posées dans les établissements.
Table ronde regroupant
M. Farid ABDELKRIM, membre de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), accompagné de M. Charafeddine MOUSLIM,
M. Yamin MAKRI(, membre du Collectif des musulmans de France,
accompagné de M. Fouad IMARRAINE_,
Mme Malika AMAOUCHE, militante féministe,
Mme Malika DIF, écrivain,
M. Bruno ETIENNE_, directeur de l'observatoire du religieux à l'IEP d'Aix-en-Provence,
Mme Françoise GASPARD, universitaire,
Mme Dounia BOUZAR, chargée de mission à la protection judiciaire de la jeunesse

(extrait du procès-verbal de la séance du 16 septembre 2003)
Présidence de M. Eric RAOULT, membre du Bureau
M. Eric RAOULT, Président : Mesdames et messieurs, chers collègues, je voudrais tout d'abord vous demander de bien vouloir excuser le Président, M. Jean-Louis Debré, qui est, pour 48 heures, en visite officielle en Tunisie. A sa demande, deux tables rondes ont été organisées relatives à la problématique du port du voile à l'école ; pour schématiser, et j'insiste sur ce point, je dirais que nous recevons, aujourd'hui, des personnes favorables à la liberté du port du voile à l'école, alors que demain, les personnes que nous auditionnerons sont plutôt défavorables au port du voile.
Mes chers collègues, nous recevons donc aujourd'hui différents responsables d'association et auteurs d'ouvrages relatifs au port du voile. M. Farid Abdelkrim, membre du conseil d'administration de l'UOIF, accompagné de M. Charafeddine Mouslim, M. Yamin Makri, porte-parole du Collectif des musulmans de France accompagné de M. Fouad Imarraine. Sont également présents plusieurs auteurs d'ouvrages sur le voile, intellectuels et autres signataires de l'appel du 20 mai dernier, paru dans le journal Libération, en faveur du port du voile : Mme Malika Amaouche, militante féministe et signataire de l'appel, Mme Malika Dif, écrivain, conférencière et auteur d'« Etre musulmane aujourd'hui » ; M. Bruno Etienne, membre de l'institut universitaire de France, directeur de l'observatoire du religieux à l'IEP d'Aix-en-Provence, Mme Françoise Gaspard, ancienne parlementaire, universitaire, diplômée de l'IEP de Paris, agrégée d'histoire, ancienne élève de l'ENA, maître de conférence à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, militante féministe, signataire de l'appel et auteur des « Foulards de la République » et Mme Dounia Bouzar, coauteur de l'ouvrage « L'une voilée, l'autre pas ».
Je vous propose, mesdames et messieurs, de commencer par un premier tour de table afin que vous vous présentiez, puis nous passerons au jeu des questions-réponses.
Mme Dounia BOUZAR : M. le Président, je vous remercie de nous recevoir. Je voudrais tout d'abord remarquer que mes titres universitaires n'ont pas été cités ! Sachez donc qu'au-delà de l'ouvrage « L'une voilée, l'autre pas », je suis également doctorante en anthropologie, chargée d'études et de recherches à la protection judiciaire de la jeunesse, au ministère de la justice. Je suis notamment chargée d'une mission nationale, « islam et action sociale », qui a pour objectif de valoriser les valeurs communes entre l'islam et l'occident auprès de tous les professionnels, afin de leur fournir des outils pour travailler sur le thème de la mise en avant de la référence musulmane par les jeunes. Je suis également la personnalité dite qualifiée du Conseil français du culte musulman (CFCM), depuis peu.
Jusqu'à présent, j'ai davantage travaillé sur le plan psychologique ; mes travaux ont consisté à tenter de comprendre - par des enquêtes de psychologie sociale - ce qui poussait les jeunes à vivre leur islam de cette façon.
Vous avez auditionné d'éminents sociologues, je ne vais donc pas redire des évidences. Je dirai simplement que ma position a consisté à travailler, non seulement sur le paramètre d'interactions - comment la société peut aussi injecter le contraire de ce qu'elle veut - mais également sur la question du croisement des mythes - comment la société française voit grandir sa première génération de Français de confession musulmane, la première vraie génération de jeunes complètement socialisés à l'école de la République et qui ont appris à dire « je ». Une rencontre, donc, avec les jeunes dans une nouvelle recomposition du fait religieux.
J'ai voulu montrer comment un certain nombre de jeunes filles revendiquent des valeurs universelles mais les détachent de l'unique histoire de France ; elles souhaitent rejoindre les autres Françaises sur un certain nombre de valeurs communes tout en revendiquant la lecture de ces valeurs dans la référence musulmane. C'est-à-dire une réappropriation des textes musulmans au prisme de la culture française.
Il me semble que l'histoire de France se rigidifie et souhaite être la seule à avoir produit certaines valeurs. Mais on assiste également, d'un autre côté, à un retour au mythe d'or de l'âge musulman qui se rigidifie aussi. Pour construire un avenir commun, il faudrait commencer par travailler sur les histoires et les mémoires.
Je ne développerai pas plus mon propos nous serons certainement amenés à y revenir lors du débat. Merci.
Mme Malika DIF : M. le Président, madame, messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation ; nous y sommes si peu habitués que nous en sommes tout étonnés.
Je suis Française, convertie à l'islam depuis 30 ans, j'ai 66 ans. Je suis juriste de formation, j'ai travaillé pendant 44 ans, et je suis aujourd'hui retraitée. Je consacre mon temps - depuis déjà une vingtaine d'années - à l'éducation islamique, ou plutôt musulmane, car le mot islamique à une connotation particulière.
En tant que musulmane, je me suis d'abord préoccupée de la situation de la femme ; tant de choses ont été dites à son propos, tout et son contraire, qu'il m'a semblé indispensable d'intervenir. Je l'ai fait en écrivant un ouvrage, « Etre musulmane aujourd'hui », qui recense ce que sont les droits de la femme - je cite les textes et les commente, étant entendu que d'autres peuvent avoir une vision différente, selon les écoles. Pour ma part, je me suis fondée sur le contexte le plus généralement accepté par l'ensemble des savants musulmans.
En ce qui concerne cette communauté, je travaille essentiellement avec des jeunes - certains sont devenus des adultes et ont aujourd'hui 40, 45 ans - qui sont scolarisés. J'essaie de démontrer, depuis vingt ans, que l'on peut être musulman ou musulmane et citoyen français, c'est-à-dire engagé dans la vie de cette société. Si tous les musulmans ne le sont pas, c'est peut-être que, sous prétexte qu'une femme se présente avec un voile ou un homme avec une barbe, ils sont qualifiés d'islamistes et que les portes leur restent fermées. Certaines associations musulmanes, par exemple, dans différentes villes de province, ont voulu participer à la journée de la femme ; les femmes qui portaient le voile se sont vues refuser. C'est une réaction que j'ai du mal à comprendre, à accepter, car si ces femmes viennent avec leur voile, elles viennent pour témoigner de leur appartenance à la société française.
Je connais des femmes qui ont passé le cap du voile à l'école, qui ont suivi des études supérieures, mais qui sont condamnées à rester à la maison pour élever leurs enfants ou à donner ici et là des cours d'arabe ou d'enseignement religieux.
D'ailleurs, nous donnons également des cours d'instruction civique. Au moment des élections, je me souviens avoir expliqué aux jeunes comment et pourquoi il fallait voter - s'inscrire sur les listes électorales, et voter, blanc, si aucun candidat ne leur convenait -, car l'école ne l'avait pas fait. Alors on parle aujourd'hui du problème du voile à l'école, mais on oublie le civisme, l'éducation citoyenne à l'école, ce dont nous avons le plus besoin. J'ai donc le sentiment, depuis vingt ans, de faire un travail qui n'est pas fait à l'école.
Mme Françoise GASPARD : M. le Président, Mme Bouzar a fait remarquer que ses titres universitaires n'avaient pas été cités, personnellement, je me serais passée des miens !
Je rappelle toutefois que je suis une ancienne parlementaire et que j'ai été maire de Dreux, ville qui connaît de nombreuses nationalités et une importante population de culture musulmane.
Par ailleurs, je travaille dans un laboratoire de sociologie, fondé par Alain Touraine, qui est dirigé aujourd'hui par Michel Wieviorka. Nous travaillons sur les questions d'exclusion dans la ville, de l'école, et j'ai travaillé avec Farhad Fhosrokhavas notamment, sur les relations des garçons et des filles - question centrale dans notre discussion.
Je suis par ailleurs experte dans l'un des six comités conventionnels de l'ONU, le comité chargé de surveiller l'application du respect de la convention sur la non discrimination à l'égard des femmes, convention que la France a ratifiée en 1983.
Je regrette, M. le Président, à cet égard, que le parlement ne se soit pas saisi du rapport qui a été présenté à New-York par la France au mois de juillet, et je souhaiterais que votre commission se saisisse, elle, du jugement qui a été prononcé sur ce rapport. En effet, pour que la France remplisse ses engagements internationaux, un certain nombre de mesures, nécessaires, ne sont pas encore prises, notamment en ce qui concerne le respect de l'article 5 de cette convention, sur la lutte à l'école contre les stéréotypes de sexe - il s'agit d'une question à laquelle nous devons réfléchir.
Ma première affaire du foulard, je l'ai connue en 1978, à Dreux. Un directeur d'une école primaire me demande d'intervenir auprès de deux familles qui refusent d'envoyer leur fille en classe de neige. En allant rencontrer ces deux petites filles dans leur classe, en CM2, je découvre que l'une d'elle porte un foulard ; je sursaute et demande au directeur comment il peut tolérer cela. Il me répond, en accord avec les enseignants, que leur rôle est de faire tomber le foulard, du moins de permettre à cette petite fille, si elle le désire un jour, de ne plus le porter. J'ai découvert à cette époque une confiance - que je n'ai pas toujours retrouvée plus tard - des enseignants dans leur mission.
Une des petites filles était donc d'origine marocaine, l'autre Portugaise catholique. Je me suis rendue dans les deux familles afin de convaincre les parents de les laisser partir, arguant que cela était essentiel à leur intégration dans la communauté scolaire. Or, alors qu'une famille était catholique et l'autre musulmane, les mêmes mots ont été prononcés : pudeur et crainte de ne pas avoir l'œil sur leur petite fille, le soir, dans le chalet.
Je suis parvenue à convaincre les familles de laisser partir les deux petites filles. Je suis toujours en relation avec Malika, qui est aujourd'hui chirurgienne à l'hôpital de la Salpêtrière et qui a choisi de ne plus porter le foulard. Dans cette affaire, l'école a montré qu'elle pouvait absorber la différence et surtout faire en sorte que les petites filles résistent.
En 1994, j'ai été chargée, avec mon collègue Farhad Fhosrokhavas, par le ministère de l'équipement, d'une enquête sur les relations entre les garçons et les filles dans les quartiers difficiles - c'était la première enquête de ce type. Et je dois dire, moi qui n'avais pas remis les pieds dans un établissement scolaire du second degré depuis longtemps, que j'ai été ahurie, étonnée, choquée de ce que j'ai entendu, à la fois de la part des élèves et des professeurs sur la montée de la violence des garçons.
Cette violence m'a conduite à réfléchir sur le fait que l'on a imposé la mixité scolaire à la fin des années 60, pour des raisons plus économiques que philosophiques. Aucune réflexion n'a été menée en termes de pédagogie, de coéducation. Il y a donc là une réflexion à mener, car aujourd'hui, parmi les foulards, il en existe un que j'ai vu dans les quartiers récemment, qui est un foulard de protection : un foulard contraint. Or il est de notre responsabilité, et de celle de l'école laïque, d'enseigner la laïcité qui est, en fait, posée comme une donnée sans être enseignée, sans que soit rappelé les valeurs des fondateurs de la République. Jules Ferry n'a jamais dit que les élèves ne devaient pas porter de signes religieux, il a déclaré qu'il convenait de respecter l'absolue conscience de l'enfant et la neutralité des locaux et des enseignants. Il serait intolérable que des enseignants manifestent par quelque signe que ce soit leur appartenance, afin qu'ils puissent respecter les enfants.
Dans l'article paru dans le journal « Libération », que j'ai signé, nous disons que nous ne sommes pas favorables au foulard, mais que nous respectons celles qui le portent ; encore faut-il que chacune sache ce qu'il signifie. Pour moi, le foulard représente trois choses : un symbole religieux, une marque d'oppression des femmes et une pièce de vêtement. Ma grand-mère ne serait jamais sortie en cheveux dans la rue. Je respecte donc celles qui souhaitent, par pudeur, porter un foulard. Mais encore une fois, l'école doit enseigner aux élèves un certain nombre de principes, dont celui du respect entre les garçons et les filles.
Mme Malika AMAOUCHE : M. le Président, je suis une militante, signataire de la pétition « Oui à la laïcité, non aux lois d'exception » parue dans le journal « Libération » le 20 mai 2003, sous le titre fallacieux « Oui au foulard dans l'école laïque ». Or il s'agit en fait d'un appel laïque, contre l'interdiction du voile et contre une loi d'exception qui viserait le foulard islamique.
Cet appel a été signé par la Ligue des droits de l'homme, la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE), l'association des travailleurs maghrébins de France, des représentants politiques, des syndicats, des formateurs de l'éducation spécialisée, des enseignants, des éducateurs de l'Education nationale, des chercheurs, des universitaires et des militants d'associations telles qu'Amnesty International, Défense des enfants International, Mouvements de l'immigration et des banlieues ou le Comité des femmes arabes.
Cet appel vient s'inscrire dans le débat public pour faire entendre une voix laïque à un moment où le foulard avait formé deux camps : les laïques, prônant l'interdiction, et les religieux prenant parti pour le voile à l'école.
Il s'agissait, au-delà de ce que représente le voile, de faire entendre les conséquences d'une exclusion de l'école pour ces jeunes filles. Que le voile soit porté par libre choix ou imposé, il n'en demeure pas moins que l'interdire à l'école revient à créer une double contrainte pour les jeunes filles qui devront choisir entre l'autorité de leurs parents, ou ce que leur conscience leur impose, et l'autorité de l'Etat français. Il s'agit d'un fardeau lourd à porter quand on n'a pas l'âge de s'émanciper réellement pour avoir de la distance avec quelque référent ou autorité que ce soit.
Par ailleurs, l'exclusion de l'école est la plus lourde punition qui soit. Car si ces jeunes filles sont contraintes de porter le voile et, de fait, forcées à quitter l'école, cela revient à leur fermer la porte de l'école mais également d'un espace social, mixte et laïque, à les priver d'outils indispensables et à les renvoyer à l'autarcie du foyer familial.
Si le voile est certes un signe religieux, il s'agit également d'un moyen pour les jeunes filles d'accéder à l'espace public, mixte. Or il ne faudrait pas, aujourd'hui, faire le jeu des amalgames en renvoyant ces jeunes filles dans une école non mixte, probablement religieuse, et créer ainsi des champs communautaires, fermés, dans la société française.
En outre, si le rôle de l'école est d'affranchir les consciences de toute tutelle, on n'affranchit pas par la contrainte. L'autonomie est un long apprentissage que l'on fait en pleine connaissance de cause et dont on mesure parfois l'héritage à un âge plus avancé de la vie, mais qui nécessite toujours une certaine maturation et de l'expérience.
Il convient de ne pas oublier que l'école n'est obligatoire que jusqu'à 16 ans. Dans ce laps de temps, trop court, il convient de donner aux élèves voilées une place à l'école laïque. Il serait absurde d'exclure ces jeunes filles au nom d'un quelconque idéal de laïcité, ou pour émanciper les femmes.
En revanche, des contraintes sont formatrices, telles que l'obligation d'assiduité ou la diversité des matières à enseigner - les sciences naturelles ou le sport. L'idée étant que ce n'est qu'en offrant un éventail le plus large possible que l'on forme un esprit critique.
Rejeter le voile de l'école, ce serait donner aux intégristes des arguments pour obtenir des écoles musulmanes, non mixtes, ce qui alimenterait un sentiment de rejet envers la France. Dans un premier temps, les élèves pourront soit arrêter l'école, soit recourir aux cours par correspondance. Sachant les inégalités déjà existantes devant l'enseignement, si le milieu de l'enfant ne complète ni n'encourage l'apprentissage, le résultat pour la très grande majorité de ces jeunes filles va être de les déscolariser. Ce qui serait plus que dommage si l'on considère que les filles, dans leur grande majorité, réussissent mieux à l'école que les garçons.
Accepter le voile ne serait pas céder à un chantage des intégristes, mais donner une place à ce symbole, ostentatoire peut-être, mais uniquement par la taille et d'une autre confession religieuse, pour permettre à certaines jeunes filles l'accès à notre école laïque. Il serait même dangereux pour la cohésion sociale de créer une loi qui aboutirait à leur exclusion. Ce serait soumettre à la peur et alimenter les fantasmes qui amalgament attentats terroristes, islamisme et intégrisme, viols collectifs et port du voile, alors que celui-ci est parfois un moyen, pour certaines jeunes filles, de faire un compromis entre deux cultures, de sortir dans la rue, de poursuivre des études, de différer un mariage ou de s'engager dans des activités militantes.
On constate d'ailleurs que la polémique ne vient pas de ces jeunes filles. Selon l'étude de la médiatrice Hanifa Chérifi, le nombre de cas problématiques est passé en dix ans de 300 à 150.
En revanche, il est du rôle de l'école laïque de donner une image valorisante de la culture islamique, de créer des repères pour comprendre l'histoire religieuse et laïque, de prendre connaissance de l'histoire coloniale et de s'approprier l'histoire des luttes pour l'émancipation et l'indépendance.
Il convient également de rappeler que la République laïque n'a pas amélioré immédiatement le sort des femmes, puisqu'il a fallu attendre 1938 pour que les femmes aient le droit de s'inscrire à l'université sans l'autorisation de leur mari, et qu'elle s'est accommodée jusqu'aux années 60 de la séparation des sexes. Et ce n'est qu'en 1946 que les femmes ont pu devenir électrices et éligibles, au même titre que les hommes. Enfin, il faudra attendre la loi de 1970 pour que soit supprimée la notion de chef de famille du code civil.
Bien que l'enjeu, au début du siècle, ait été de remplacer l'autorité de l'église catholique par des instances représentatives et élues démocratiquement, la question de la représentativité des femmes a été le résultat de ligues militantes. Jules Ferry disait : « Il faut choisir citoyen, il faut que la femme appartienne à la science - entendue la laïcité - ou à l'église ». Faisons un autre pari, celui que la femme ne s'appartient qu'à elle-même et qu'il est de son libre arbitre de choisir des moyens pour paraître et pour participer dans l'espace public à la citoyenneté. On s'émancipe en se réappropriant sa culture, et à partir d'elle en se créant une identité recomposée.
M. Farid ABDELKRIM : M. le Président, je souhaiterais tout d'abord préciser que je ne suis pas là en tant que représentant de mon organisation, ayant été contacté à titre personnel ; je donnerai donc, sur cette question, mon point de vue et non celui de mon organisation.
Je suis donc membre du Conseil d'administration de l'UOIF, je suis également ex-président du Mouvement des jeunes musulmans de France. Je suis par ailleurs membre du CFCM, et si j'ai accepté votre invitation, c'est parce que je suis en contact avec une certaine partie de la communauté musulmane, et plus particulièrement des jeunes que je rencontre à travers les conférences que je dispense dans toute la France. Or, la question du voile est souvent abordée lors de ces rencontres, car elle entraîne beaucoup d'incompréhension, d'interrogations - de la part des garçons comme des filles.
C'est donc à ce titre que j'ai accepté de venir devant votre mission d'information, pour vous faire part de ce qui se dit ici et là, mais peut-être aussi pour faire tomber les fantasmes, les psychoses qui accompagnent cette affaire, à laquelle on a donné plus d'importance qu'elle ne le mérite.
Je ne suis ni pour ni contre le port du voile, je suis pour que les personnes aient le droit de choisir leur vie. En effet, j'ai appris, par l'éducation que j'ai reçue de mes parents et à l'école, que les gens ont le droit de faire ce qu'ils veulent ; c'est ce principe que je dispense lors de mes conférences, lorsque je rencontre une jeune fille qui est tiraillée entre l'envie de continuer ses études et celle de porter le voile. Je la renvoie à sa propre conscience, je ne puis que l'accompagner dans ses pr
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