Au fil des ans, la mafia marocaine aux Pays-Bas, connue sous le nom de Mocro-Maffia, s’est accaparé non seulement un des plus gros business de Rotterdam, mais aussi la vie et le destin de plusieurs jeunes.
En effet et en 2008, ces réseaux criminels ont contrôlé dans le pays un business estimé à plus de 2 milliards d’euros. Organisés en véritable bande, ils recrutent des jeunes délinquants pour «faire le sale boulot». Engagés en tant que tueurs à gage, ces derniers, munis de Kalashnikov, tirent sur leur cible en échange de la modique somme de 5 000 euro par meurtre.
Des apprentis-mafieux
Pour comprendre ce fléau, deux caractéristiques sont à relever. Tout d’abord, ces criminels sont de plus en plus jeunes et inversement, leur «cachet» est de moins en moins conséquent, passant de 50 000 à 5 000 euros de nos jours.
Les jeunes qui opèrent lors de ces règlements de comptes «viennent habituellement de familles brisées, et leurs idoles sont des types au volant d’une voiture qui prétendent prendre soin d’eux, en leur assurant qu’ils auront de l’argent et un statut», expliquait précédemment le président du syndicat de la police néerlandaise.
Beaucoup d’entre eux finiront derrière les barreaux. Vu leur jeune âge, ils écoperont «seulement» de 5 ans de prison. Mais avant cela, ils auront laissé derrière eux des familles anéanties ou encore assassinées, par peur qu’elles ne livrent des informations à la police.
Outre les liquidations, ces jeunes «généralement d’origine marocaine», sont embauché bien avant, confie à Yabiladi Naima Ajouaau, femme politique d’origine marocaine, installée au Pays-Bas depuis plus de 20 ans. «Ces jeunes ont à peine 12-13 ans. Ils font généralement le guet dans les quartiers et transportent les marchandises», ajoute-elle.
Naima Ajouaau/ Membre de l'association Niss4nisa
Les enfants «n’ont plus d’avenir»
«Ils ne vont pas à l’école ou font ce travail après leur sortie de cours», nous explique encore Naima Ajouaau, qui est également membre de l’association Niss4Nisa (des femmes pour les femmes), basée à Amsterdam. Dans ce sens, et afin de lutter contre cette déscolarisation, l’ONG tente d’encadrer ces jeunes, en les orientant et en les poussant à poursuivre leurs études.
Cette sensibilisation et ce changement ne peuvent pas être menés sans la collaboration de la famille, qui elle aussi a un rôle très important à jouer, souligne Naima Ajouaau. C’est pourquoi, Niss4Nisa accompagne tout autant les mères au sein de la communauté marocaine touchée de près ou de loin par la Mocro-Maffia.
L’un des plus grands problèmes exposés par Naima est «la non maîtrise de la langue néerlandaise», qui crée un véritable fossé entre la mère et son enfant. Afin de combler ce vide qui peut s’avérer dangereux, l’association dispense des cours de néerlandais. Elle organise également des ateliers et des workshops où ces mères, «généralement au foyer», pourront apprendre un nouveau métier, afin de générer leurs propres revenus.
Un travail de toute la société
Par ailleurs, en évoquant l’importance du rôle des mamans, Naima tient à souligner que les jeunes filles sont elles aussi victimes de ces bandes organisées. C’est grâce à une enquête de terrain que Naima est arrivée à cette conclusion, nous explique-t-elle :
«Même si les filles ne commettent pas d’exécutions, elles peuvent par exemple, lorsqu’elles épousent un des ces criminels, être sous son emprise.»
La Macro-Maffia est vraisemblablement un mal social, dont souffre particulièrement la communauté d’origine marocaine au Pays-Bas. Cependant, Naima ne veut pas tomber dans la victimisation de ses compatriotes établis aux Pays-Bas :
«Certes, la discrimination est présente dans la société néerlandaise, mais si on n’agit pas, on ne peut que nous en vouloir à nous même. La société devrait agir en aval, avant de demander l’aide des autorités et du gouvernement hollandais.»
Dans un premier temps et dans le cadre de ces actions de la société civile, l’association a ainsi organisé, début février, une rencontre entre les mères des victimes de la Mocro-Maffia et Jozias Johannes van Aartsen, maire d’Amsterdam par intérim. Une rencontre où ces cheffes de famille ont exposé les divers problèmes qu’elles rencontrent.
Burgemeester Van Aartsen op bijeenkomst georganiseerd door moeders: ‘We zijn het aan Mohamed(Bouchikhi) verplicht om samen iets moois te maken van onze samenleving.’ pic.twitter.com/mGap0FLW05
— Sofyan Mbarki (@sofyan_mbarki) 2 février 2018
D’un autre côté, l’association a déjà pu échanger avec le ministère marocain des Affaires étrangères. Pour l’instant, rien de concret n’a été acté, mais dans un futur proche, Naima Ajouaau espère une aide et une intervention du gouvernement marocain.