Menu

angle_2

Marrakech : Les singes de la place Jemaa el Fna ne font plus rêver les touristes

D’après une étude menée par deux chercheurs écossais, les touristes étrangers se montrent de plus en plus réticents à se photographier aux côtés des macaques de Barbarie, déplorant leur exploitation.

Des touristes étrangers se faisant photographier avec un macaque de Barbarie, à la place Jemaa El Fna à Marrakech. / DR
Estimated read time: 2'

Les touristes étrangers peu séduits par l’idée de se faire photographier aux côtés des macaques de Barbarie de la place Jemaa El Fna ? C’est en tout cas ce qui ressort d’une étude menée par deux chercheurs de l’université Napier d’Édimbourg, en Ecosse, publiée dans la revue Anthrozoös, spécialisée dans la recherche sur les interactions entre l’Homme et l’animal.

Ainsi, pendant les vacances de Pâques en avril dernier, alors que le Maroc connaît à cette période une forte affluence touristique, Kristina Stazaker et Jay Mackinnon ont interrogé 513 visiteurs nationaux et étrangers sur la célèbre place de la ville ocre, sur la base d’un questionnaire comportant 25 éléments permettant d’évaluer leur perception de ces primates utilisés en tant qu'élément de divertissement.

Il en ressort que la plupart des visiteurs (88%) n’ont pas eu l’intention de se prendre en photo avec les singes, contre 7% qui étaient tentés de le faire. Les chercheurs ont également remarqué que les touristes marocains étaient plus susceptibles que les étrangers de se photographier aux côtés des macaques.

Autre constat : les voyageurs internationaux enclins à s’adonner à ce divertissement étaient souvent plus jeunes, avaient un niveau d’instruction et un revenu plus bas que ceux qui ne se faisaient pas photographier et qui n’avaient pas l’intention de le faire. Au contraire, ces derniers déploraient le traitement réservé aux animaux et désapprouvaient leur captivité ou leur exploitation. Ils ont également fait part de leurs préoccupations sur les risques pour la santé humaine et de leur agacement de l’insistance de certains commerçants.

L’étude indique que 16% des personnes sondées ont le sentiment que la présence de ces macaques rend Marrakech «vivante et intéressante», tandis que 57% pensent que Marrakech serait un meilleur endroit sans ce divertissement. Enfin, bien que 66% ont convenu que cette pratique devrait être illégale, 80% ne savaient pas qu’elle l’était, et seulement 25% ont correctement identifié le macaque de Barbarie comme une espèce en voie de disparition.

Un bénéfice équivalent au revenu mensuel moyen d’une famille marocaine

«De nombreux animaux utilisés comme des accessoires photographiques sont des bébés et il est difficile de savoir ce qu’ils deviennent quand ils grandissent. Certains sont vendus comme animaux de compagnie et introduits en Europe via la contrebande», explique Jay MacKinnon au média Sinc, portail d’informations scientifiques espagnol, qui relaie l’étude. «Nous le savons grâce aux informations faisant état de commerce illégal d’animaux de compagnie, et d’autres qui nous proviennent de refuges européens recueillant ces animaux lorsqu’ils sont abandonnés», ajoute le chercheur.

D’après l’étude, un bébé macaque est photographié avec des touristes environ 18 fois par heure, moyennant un coût de 100 dirhams pour les touristes. Une pratique qui pourrait générer un bénéfice équivalent au revenu mensuel moyen d’une famille marocaine en seulement trois ou quatre jours ouvrables. Alors que la liste rouge des espèces en voie de disparition de l’Union internationale pour la conservation de la nature a classé cette espèce parmi celles «en danger» depuis 2008, en interdisant ainsi la vente ou l’acquisition, leur sauvegarde est mise à rude épreuve : «La capture de bébés macaques à l’état sauvage au Maroc va au-delà de ce que ces populations peuvent supporter.»

Selon les estimations du professeur de biologie Driss Hachimi communiqués en avril 2018, 300 à 400 singes sont annuellement capturés et vendus clandestinement au niveau des frontières.