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SIEL 2022 : «La condition juridique des Marocains résidant à l’étranger», un document référence pour les MRE [Interview]

Enseignant-chercheur, professeur de droit à l’Université Mohammed V de Rabat, chargé de cours des «droits des migrants et des minorités» et codirecteur de la Revue marocaine d’administration locale et de développement (REMALD) – Maroc, Mohamed Benyahya est l’auteur de «La condition juridique des Marocains résidant à l’étranger». Cet ouvrage de référence, publié par le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) et présenté au Salon international de l’édition et du livre, permet aux concitoyens vivant à l’étranger de trouver des réponses à toutes leurs questions d’ordre juridique et à les éclairer sur certaines subtilités administratives.

Mohamed Benyahya / Ph. CCME - Awacer TV
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Réalisé par le CCME et coordonné par Mohamed Benyahya, «La condition juridique des Marocains résidant à l’étranger» est un ouvrage encyclopédique en plusieurs voluments, qui réunissent tous les textes constitutionnels, conventionnels, législatifs et réglementaires en lien avec les différents aspects juridiques concernant les Marocains du monde. Il permet ainsi de vulgariser et de faire connaître aux MRE leurs droits civiques, sociaux et économiques.

L’ouvrage est destiné aux MRE, mais il est aussi une référence scientifique pour toutes les institutions et organismes concernés par la question. Lors du Salon international de l’édition et du livre (SIEL), tenu du 3 au 12 juin, cette publication a été présentée par son auteur, dans le cadre du programme culturel du CCME durant cet événement.

Quel est l’objectif de cette publication ?

Au sein du CCME, il y a eu un constat sur les besoins de nos concitoyens marocains du monde au niveau de la documentation juridique. L’initiative a donc été lancée pour préparer une série de références de textes juridiques. Il s’agit d’une compilation exhaustive de toutes les dispositions légales, de la Constitution du Maroc aux plus récents accords bilatéraux signés avec des pays tiers. C’est un travail de documentation et non pas d’analyse académique.

Cette série est parue initialement en 2018, avec le souci de faire le tour de tous les aspects des lois relatives aux droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels, en plus de clauses sur les différents aspects administratifs, rattachées au MRE ou qui peuvent les concerner de près ou de loin. Grâce à cet effort de documentation, toutes les questions juridiques que se posent nos concitoyens à l’étranger, en lien avec le Maroc, peuvent trouver leur réponse dans une seule publication en plusieurs volumes.

Ces derniers sont également à la disposition de toutes les parties prenantes dans la gestion des aspects de la vie liés aux Marocains du monde, que se soient les ambassades, les consulats, les délégations diplomatiques ou les acteurs de la société civile. Ce sont des documents de référence d’une grande importance, qui évitent à tout concerné de se perdre dans des sources juridiques éparses.

Vous savez que les lois changent au fur et à mesure des années et notre arsenal juridique national est fréquemment amendé. Il a fallu donc mettre à jour le contenu de cette série d’ouvrages, en y intégrant un septième volume qui inclut des données juridiques, des accords internationaux et bilatéraux, scellés avec le Maroc entre 2018 et mai 2022. Ce sont des informations importantes, surtout que nombre de nos MRE sont des investisseurs au Maroc ou à l’étranger. Il est donc important de mettre à leur disposition des références juridiques accessibles et même téléchargeables sur le site du CCME.

La question de la déclaration fiscale et de patrimoine est remise en avant dans l’actualité, depuis quelques mois. Que nous renseignent les pratiques et les textes juridiques sur certains droits et obligations des MRE en la matière ?

Cette question est effectivement traitée dans l’un des volumes de cette publication. Cela entre dans le cadre des accords internationaux et bilatéraux, pour lutter contre le financement du terrorisme et afin de faciliter la coordination entre les pays. Certains accords prévoient un échange d’information entre les pays de résidence et d’origine des concernés. En termes de pratique, des MRE se confrontent à certaines difficultés au quotidien, car ils n’ont pas connaissance de l’existence de ces accords.

En ce qui concerne la déclaration de patrimoine, les MRE qui veulent se réinstaller au Maroc sont tenus de préciser ce qu’ils possèdent à l’étranger (foncier, investissement,…). Il est important donc de connaître ses droits dans ces cas-là et les engagements qui incombent à toutes les parties, ce que rend possible également cette publication.

La spoliation immobilière constitue aussi une question importante pour beaucoup de MRE, dont nombre se trouvent victimes. Que traduit le dilemme juridique en la matière ?

Comme vous le savez, ces usages entrent dans le cadre de la fraude et de l’escroquerie, de la part de personnes qui profitent de l’absence des MRE sur le territoire national, parfois pendant plusieurs années, pour s’accaparer de leurs biens de manière illégale qui tombe sous le coup du pénal. Ces pratiques se font souvent par le biais de falsification de documents, administratifs ou notariaux.

Des instructions royales fermes ont été adressées au gouvernement pour amender certaines lois, notamment au niveau des accords signés chez les notaires pour le transfert de bien, ou encore la révision de certaines procédures de conservation foncière. Aussi, une délégation gouvernementale permanente a été créée, pour le suivi de ce phénomène et surtout auprès des MRE, qui sont les victimes principales de la spoliation foncière dans notre pays. Le législateur a dû réagir à ce fléau et des affaire portées en justice ont fini sur la réhabilitation des victimes dans leurs droits.

Pourtant, certains textes de loi permettent encore une ouverture vers des pratiques qui peuvent donner lieu à la spoliation, surtout l’obligation de renouveler la déclaration de propriété d’un bien, tous les quatre ans. Pensez-vous que le législateur pourra y remédier ?

Cet article de loi constitue l’un des vides juridiques dans la législation foncière. Avant cette réforme, la loi sur la conservation foncière garantissait la propriété d’un bien et les droits du propriétaire ad vitam aeternam. C’est l’objectif premier de cette loi, ce qui a barré la route à plusieurs tentatives de spoliation. Mais après un amendement de l’article 4 de cette loi, la nouvelle obligation de vérifier la déclaration de propriété toutes les quatre années est devenue problématique à plusieurs égards, principalement pour nos Marocains du monde, dont ceux qui vivent dans des destinations lointaines et qui ne reviennent pas systématiquement chaque année ou même sur cinq ans.

Cette question a été portée au gouvernement et dans les sphères législatives. Il y a eu plusieurs propositions de loi et je pense que cette clause problématique peut être abrogée à l’avenir, afin de rétablir la situation initiale qui ne mettait pas à mal les droits du propriétaire en l’exposant à des fraudes, si jamais il ne vérifie pas périodiquement que son bien est toujours en son nom.