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Marche du 20 juillet : Politiques, observateurs et activistes dénoncent l'intervention des autorités

Au lendemain de la grande marche d’Al Hoceima, interdite par les autorités locales, les réactions fusent sur la toile, notamment pour dénoncer l’intervention des forces de l’ordre et les affrontements qui les ont opposées aux citoyens. Tour d’horizon des principales réactions des activistes et des observateurs.

Manifestants et forces de l'ordre devant la mosquée Sedrati, jeudi 20 juillet à Al Hoceima. / Ph. Youssef Dahmani - Yabiladi
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Matraques, gaz lacrymogènes, jets de pierres, accrochages, poursuites... La ville d’Al Hoceima a été hier le théâtre d’une succession d’événements suite à la décision des autorités locales d’interdire la grande marche à laquelle ont appelé les leaders du Hirak.

Une interdiction défiée par les Rifains et d’autres citoyens venus de plusieurs régions du royaume et de l’étranger pour prendre part à cet évènement. Les autorités locales ont elles aussi investi les rues d’Al Hoceima pour appliquer l’interdiction annoncée par la préfecture de la province. Deux camps se sont ainsi affrontés dans différents quartiers avant que le calme regagne la capitale du Rif.

Alors que la préfecture n’a annoncé qu’hier soir le bilan de son intervention et des accrochages qui ont opposé éléments des forces de l’ordre et citoyens, les informations distillées au compte-goutte et les images relayées en différé ont fait réagir plusieurs internautes sur les réseaux, dont des politologues, des hommes politiques et des activistes du Hirak.

Omar Cherkaoui : «La solution n’est ni les rues, ni dans les couloirs des tribunaux»

Le politologue et professeur universitaire Omar Cherkaoui a diffusé jeudi soir sur Facebook plusieurs publications sur l’intervention des forces de l’ordre. «Nous passons par des circonstances exceptionnelles, ce qui nous impose, en tant qu’Etat, que société et qu’intermédiaires, à opter pour la voix de la raison et de la sagesse», écrit-il. Il appelle ensuite «à ne pas laisser une colère - justifiée dans certains cas - à dicter les actes et, par la suite, entraîner les choses vers la mauvaise direction». «Parce que nous sentons toujours l'amour de la patrie dans le cœur de tout le monde», poursuit-il. «Les larmes de tout le monde coulent en ce moment. Nous ne savons pas vers où cela va nous mener», enchaîne-t-il en réaction aux informations relatives au recours aux bombes lacrymogènes.

«Je le dis et le répète : la solution n’est ni dans les rues, ni dans les couloirs des tribunaux ou les dispositions du Code pénal. La solution se trouve sur les tables du dialogue basé sur la confiance, l’esprit de la loi, la miséricorde des citoyens et celle de l’Etat.»

Abderrahim Elaalam : «Une blague ridicule»

De son côté, Abderrahim Elaalam, professeur à l’université Cadi Ayyad de Marrakech et politologue, estime qu’«un peuple avec autant de détermination et de résistance ne peut certainement pas être réprimé». «Ceux qui disposent d’un tel peuple doivent l’apprécier, le respecter et le préserver pour construire l'avenir de la nation et non pas le frustrer, le piétiner, le réprimer et le confronter avec des gaz lacrymogènes», indique-t-il dans l’un de ses statuts sur Facebook. Dans un autre, il met en garde contre la politique sécuritaire.

«Ils pensent qu’ils seraient en mesure de réprimer la ‘marche des militants’ comme à l’accoutumée, mais ils ont oublié que la marche du Rif n'est pas celle d’une minorité active, mais plutôt celle de tout un peuple qui se révolte contre la corruption et la tyrannie. (…) Ils ne peuvent pas interdire une marche à laquelle différents citoyens de plusieurs régions du Maroc ont participé.»

Pour Abderrahim Elaalam, «la crainte est qu’on soit forcé, à l’avenir, à appeler les citoyens à ne pas manifester pour ne pas donner l’occasion aux forces de l’ordre de saboter des biens publics, vandaliser des biens privés, jeter des pierres sur les manifestants et briser des vitres de véhicules». «La crainte, aussi, c’est que les Marocains soient un jour appelés à sacrifier ceux parmi eux qui ‘dénoncent’, parce qu’au Maroc, ‘dénoncer’ devient un crime puni par la ‘loi’, comme c’est le cas du journaliste El Mahdaoui (directeur de publication de Badil.info, ndlr)», poursuit-il.

Le professeur universitaire de conclure : «Quant aux 400 manifestants ayant blessé 72 éléments des forces de l’ordre, c’est une blague ridicule qui sera contée par les Marocains pendant longtemps.»

Abdelali Hamieddine : «Le Rif attend une réponse politique et non sécuritaire»

La grande marche d’Al Hoceima n’a pas échappé aux commentaires des hommes et femmes politiques, à l’instar des députés parlementaires du PJD. Abdelali Hamieddine a considéré ce vendredi matin que «la décision d'organiser la marche du 20 juillet par des ‘organisateurs inconnus’ l’a emporté face à celle d’interdire la manifestation, émanant des autorités». Une «victoire» qu’il attribue à la détermination et à l’insistance de la population à l’égard de ses revendications légitimes, «en particulier la libération de ceux injustement détenus».

«Le Rif attend une réponse politique et non sécuritaire. Cessez votre approche mineure, inadéquate et erronée. La solution se trouve dans la prison locale Oukacha à Casablanca.»

Iamrachen et Ben Aissa réagissent également

Certains activistes du Hirak ont également réagi aux affrontements entre autorités locales et manifestants. La figure salafiste du Hirak, El Mortada Iamrachen a dit «espérer un retour au calme», appelant les manifestants «à ne pas descendre dans la rue pour éviter les catastrophes planifiées par les forces de l’ordre». «Nous attendons le discours de Sa Majesté le Roi à l’occasion de la fête du Trône le 30 juillet, qui remédiera aux dysfonctionnements des appareils du gouvernement tout au long de cette période dans sa relation avec la population du Rif notamment», écrit-il.

Dans un autre statut, El Mortada Iamrachen tient à «remercier tous les fils et les filles de la nation qui se sont déplacés à Al Hoceima». «Nous sommes fiers de vous», conclut-il.

Pour sa part, Nawal Ben Aissa, blessée à l’abdomen lors des affrontements jeudi soir, a indiqué ce vendredi que le Rif «a été brutalisé par l’Etat». «Comme on le sait, le Rif est sorti avec ses femmes, ses enfants et ses aînés pour la dignité et la justice sociale. L’Etat nous a fait face avec une brutalité sans équivoque», s’indigne-t-elle sur sa page Facebook.

«D’une minute à l’autre, les forces de l’ordre ont lancé leurs bombes lacrymogènes alors qu'elles étaient tout prêt des manifestants. Elles n’ont pas pris en considération la présence de nos enfants, de nos femmes ou de nos personnes âgées. Alors qu’on cherchait de l’eau et des oignons, au point de s’évanouir, elles se sont attaquées à nous avec ses matraques. Certains tombaient, d’autres ont été arrêtés.»

La figure féministe du Hirak, après Salima Zyani, affirme ensuite que l’Etat «a échoué, tout comme son approche». «Personnellement, je n’aurais jamais pensé que les forces de l’ordre pourraient atteindre ce degré de brutalité en adressant des coups de pieds à des enfants et des femmes», poursuit-elle.

Nawal Ben Aissa de conclure : «Cette brutalité ne freinera pas nos espoirs en la dignité, la liberté et la justice sociale, puisqu’avec notre lutte pacifique, nous avons vaincu l’injustice et la répression.»