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Espaces publics urbains : Le HCP republie son enquête sur les violences à l’égard des femmes

Au lendemain de l’affaire de l’agression sexuelle d’une jeune fille à bord d’un bus à Casablanca, les violences faites aux femmes au Maroc est au cœur de l’actualité. Une occasion pour le HCP de republier ce lundi son enquête datant de 2009. Les constats formulés il y a près de 8 ans restent toujours valables.

Photo d'illustration. / Associated Press
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«Les espaces publics urbains sont-ils des lieux hostiles et non sûrs pour les femmes?». C’est la question que s’est posée en 2009 le Haut-commissariat au Plan (HCP) lors de l’élaboration de son enquête sur les violences faites aux Marocaines dans les espaces publics, soit les marchés, les magasins, les cafés et restaurants, les jardins publics, les rues, les transports en commun,… Ce lundi, après une semaine chargée, marquée notamment par l’agression sexuelles d’une jeune fille à bord d’un bus à Casablanca ainsi que la manifestation en solidarité qui s’en est suivie, le HCP republie son enquête.

Cette dernière d’indiquer : «bien que les diverses formes de violence à l’égard des femmes soient une réalité ancienne, la présence des femmes dans les espaces publics évoque obligatoirement la question de la violence et plus particulièrement celle du harcèlement sexuel». Le document explique que les violences perpétrées dans les lieux publics, à l’inverse des violences familiales ou domestiques, «font souvent l’objet d’une attention particulière car elles sont généralement commises au su et au vu du public». Selon les résultats de l’enquête nationale sur la prévalence de la violence à l’égard des femmes (ENPVEF), «il semble que les femmes ne sont pas toujours en sécurité dans les espaces publics, plus particulièrement dans les villes, et ne peuvent pas jouir, au même titre que les hommes, de ces lieux en raison des violences de toutes les formes perpétrées à leur égard».

«En milieu urbain, sur une population de 5,7 millions de femmes âgées de 18 à 64 ans, 2,3 millions, soit 40,6%, ont été victimes au moins une fois d’un acte de violence, sous une forme ou une autre, dans un espace public de leur ville durant les douze mois précédant l'enquête. Par forme de violence, la plus fréquente est la violence psychologique qui touche 1,9 millions de femmes, soit près du tiers (32,1%) des citadines. Les violences physiques occupent la deuxième position avec 808 mille victimes ou 14,2% de citadines.»

Les femmes mariés et celles souffrant d’un handicap ne sont pas épargnées

Toujours dans les lieux publics, les atteintes à la liberté individuelle et les violences sexuelles -non compris le harcèlement sans attouchement-, touchent respectivement  4,5% (427 mille victimes) et 3,9% (372 mille victimes) des femmes en milieu urbain, poursuit le document republié ce lundi. Un rapport qui met en exergue le fait que «les femmes victimes de violences dans les lieux publics de nos villes appartiennent à  toutes les tranches d’âge et toutes les catégories sociales».

L’enquête informe aussi qu’«être mariée semble un facteur modérateur mais qui ne préserve pas les femmes des violences dans les espaces publics» et que «les femmes citadines qui ont un niveau d’enseignement supérieur rapportent plus d’actes de violences que les autres femmes». Le HCP indique aussi que «même si la tenue vestimentaire est une liberté individuelle de la femme, il semble que cette liberté est souvent bafouée dans les espaces publics en raison notamment des critiques adressées à la femme selon qu’elle prote tel ou tel type de vêtements». «Quelle que soit sa tenue vestimentaire, la femme reste exposée aux violences dans les espaces publics», lit-on dans le rapport qui souligne aussi une autre triste réalité :

«Même si la femme présente un handicap, son état ne l’épargne pas de la violence perpétrée dans les espaces publics.»

Le HCP classe ensuite les types de violence. «Par acte de violence, le harcèlement sans qu’il y ait attouchement vient en première position avec un taux de prévalence de 26,7%. Il est suivi par les insultes et les dénigrements et le vol d’objets personnels avec usage de la force (avec un taux 11,6% chacun), les agressions physiques (gifles, coups, etc.) avec 1,8% et les agressions avec un objet contondant ou un produit dangereux (acide par exemple) avec 1,5%», rapporte l’office d’Ahmed Lahlimi.

L’ENPVEF a révélé un autre constat : la majorité des auteurs des violences dans les espaces publics urbains seraient jeunes, ne dépassant pas 35 ans. Elle indique aussi que seules 18,8% des victimes de ces violences survenues dans les lieux publics urbains s’adressent à une autorité compétente pour déposer plainte. «La violence à l’égard des femmes dans les espaces publics urbains est en particulier le fait des jeunes, tant en termes de victimes qu’en termes d’agresseurs, et que la saisie des autorités compétentes par les victimes pour déposer plainte reste encore faible», conclut l’ENPVEF.

En 2015, le département de la Solidarité, de l'égalité, de la famille et du développement social avait publié le rapport sur la violence à l'égard des femmes de son observatoire national de violence à l’égard des femmes. «Les agressions physiques des femmes représentent 98.7% de l’ensemble des affaires enregistrées devant les tribunaux», estimait le rapport. Ce dernier avait proposé une série de mesures et de recommandations à mettre en place, notamment un volet visant la sensibilisation. Plusieurs années après la publication de ces chiffres alarmants, la situation des Marocaines ne s’est, semble-t-il, toujours pas améliorée.